Délai de validité et conformité des autorisations d'urbanisme... L'Alpha et l'Oméga du droit de l'urbanisme
Nous vous proposons dans le cadre de cette nouvelle édition de revenir sur deux thématiques sur lesquelles nous sommes très souvent interrogés : - le délai de validité des autorisations d’urbanisme, les conditions de prorogation ou encore d’interruption du délai en cas de recours, - la conformité administrative. 3, 2, 1 c’est parti 🚀
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Eric Arnaud
3/3/202513 min read


Jeudi 27 février, 18h03… Nous retrouvons nos trois héros à l’Alpe d’Huez au pied de la piste des “Jeux”. Emmitouflés dans leurs vêtements d’hiver et équipés d’un mug de “Green chaud” parfaitement dosé, Sébastien, Eric et Antoine attendent patiemment depuis bientôt 20 minutes, que débute enfin la descente aux flambeaux à laquelle leurs enfants participent.
Noyé dans l’obscurité et alors que les premières lueurs de flambeaux commencent, au loin, à déchirer la nuit, Antoine profite une nouvelle fois de ce moment totalement inapproprié pour interroger ses deux amis…
[Antoine] : Je n’ai pas osé vous en parler devant vos épouses, car je sais que vous passez énormément de temps avec moi depuis plus de 2 ans et qu’elles sont parfois un peu jalouses du (bon) temps que nous passons ensemble… mais j’ai une petite question à vous poser concernant un permis de construire que j’ai obtenu il y a maintenant quelques temps déjà…
[UM] : Nous t’écoutons !
[Antoine] : Merci ! Pourriez-vous me rappeler quels sont les délais de validité des autorisations d’urbanisme ?
[UM] : Bien sûr cher ami… Conformément aux dispositions de l’article R.424-17 du code de l’urbanisme :
“Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.
Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.
Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux.”
Contrairement à certaines croyances, il résulte donc du 2ème alinéa de cet article que le permis sera caduc uniquement si, au delà du délai de 3 ans, les travaux sont interrompus pendant plus d’1 an.
[Antoine] : Heu… je ne suis pas bien sûr de comprendre l’articulation entre ces deux délais.
[UM] : Tu es loin d’être le seul, d’autant que la position du Conseil d’état a évolué sur ce point.
Ainsi, dans un arrêt du 10 mai 2017 (CE. 10 mai 2017, 1re et 6e chambres réunies, n° 399405), le Conseil d’état est venu préciser qu’il convenait de faire une application successive de ces deux délais (ils ne peuvent se chevaucher) en sachant que le second délai relatif à l’interruption des travaux ne peut être déclenché qu’après l’expiration du délai de validité de 3 ans de l’autorisation.
Comme tu le sais, nous adorons les schéma chez (Un)Mute et… il se trouve que nous en avons un sous la main…
[Antoine] : Ok, c’est effectivement beaucoup plus clair comme ça, merci.
Par ailleurs, en application de l’article R. 424-20 :
“Lorsque le commencement des travaux est subordonné à une autorisation ou à une procédure prévue par une autre législation, le délai de trois ans mentionné à l'article R. 424-17 court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation si cette date est postérieure à la notification visée à l'article R. 424-10 ou à la date à laquelle la décision tacite est intervenue.”
Ainsi, par exemple, à partir du moment où la réalisation de travaux est également subordonné à une autorisation au titre de la "Loi sur l'Eau", cette circonstance a pour effet de suspendre le délai de validité du permis (CE. 10 février 2017, req. n°383.329).
[Antoine] : Ca c’est plutôt bon à savoir… Est-ce que la délivrance d’un PCM a pour effet de proroger le délai de validité du permis initial ?
[UM] : Non, absolument pas (Réponse du Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité publiée le 22/10/2015).
[Antoine] : Dommage… Et… est-ce que le dépôt de la déclaration d’ouverture de chantier est suffisante pour justifier du démarrage effectif des travaux ?
[UM] : La Jurisprudence administrative considère de longue date que ce n’est (logiquement) pas suffisant (Conseil d'État - 2 et 6 sous-sections réunies - 9 février 1977 - n° 00114).
La réalité du commencement des travaux relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui vont, pour cela, examiner la nature et l’importance des travaux réalisés.
Pour être en présence de travaux d'exécution, ces derniers doivent être en lien suffisant avec le permis de construire (CAA Paris, 16 déc. 2010, n° 09PA04540). Ainsi, par exemple, les travaux préparatoires ne peuvent être considérés comme un début d'exécution du permis de construire, sauf si ces travaux préparatoires ont été expressément prescrits par ledit permis de construire.
[Antoine] : Je crois me souvenir que le délai de 3 ans pour commencer les travaux peut être prorogé dans certains cas. Pourriez-vous m’en rappeler les conditions ? Quelles sont les formalités pour solliciter cette prorogation ?
[UM] : Tu as tout à fait raison. Le mécanisme est prévu par l’article R.424-24 qui dispose :
“Le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard.
Pour les ouvrages de production d'énergie utilisant une des sources d'énergies renouvelables définies à l' article L. 211-2 du code de l'énergie , la demande de prorogation mentionnée au premier alinéa peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l'autorisation. La troisième décision de prorogation y donnant suite vaut décision de prorogation de la durée de validité de l'enquête publique pour cinq ans en application de l'article R. 123-24 du code de l'environnement.”
Cela signifie que la prorogation doit être refusée si les deux conditions suivantes sont remplies :
un changement des textes applicables et plus précisément les " prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives " ;
un changement rendant illicites les travaux primitivement autorisés.
S’agissant des modalités pratiques, les textes précisent que, “la demande de prorogation est établie en deux exemplaires et adressée par pli recommandé ou déposée à la mairie deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité.” (C. Urb. Art. R.424-22)
La décision de prorogation peut être :
soit expresse. Dans ce cas elle est prise par arrêté dans les mêmes conditions que pour la délivrance d’un permis ;
soit tacite, si aucune décision n’a été adressée au titulaire de l’autorisation “dans le délai de deux mois suivant la date de l'avis de réception postal ou de la décharge de l'autorité compétente pour statuer sur la demande” (C. Urb. Art. R.424-23).
Aux termes de l' article R. 424-23 du Code de l'urbanisme, "la prorogation prend effet au terme de la validité de la décision initiale". Cette solution vaut tant pour les prorogations expresses, que pour les prorogations tacites.
Pour être opposable aux tiers, l’arrêté emportant prorogation du permis doit être affiché dans les mêmes conditions que le permis lui même. Celui-ci devra donc être affiché non seulement sur le terrain, mais également en mairie.
[Antoine] : Est-ce que l’introduction d’un recours gracieux ou contentieux a pour effet de suspendre le délai de validité de 3 ans ?
[UM] : Tout à fait, mais uniquement en cas de recours contentieux. Il résulte à ce titre de l’article R.424-19 du Code de l’urbanisme que :
“En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable.
Il en va de même, en cas de recours contre une décision prévue par une législation connexe donnant lieu à une réalisation différée des travaux dans l'attente de son obtention.”
Le point de départ du délai de suspension est la saisine du juge (Quest. n° 02015 : JO Sénat 20 sept. 2012, p. 2024). La suspension dure jusqu'au prononcé d'une décision " irrévocable " ; laquelle inclut les pourvois en cassation (CAA Marseille, 26 janv. 2015, n° 13MA01597). En cas d'absence d'appel d'un jugement de première instance, le délai est donc suspendu jusqu'à l'expiration du délai d'appel ouvert à l'encontre du jugement (CAA Lyon, 14 juin 2016, n° 14LY02741).
Enfin, à partir de la survenance de la décision irrévocable, " le délai recommence à courir pour la durée restante " (CAA Douai, 7 mai 2021, n° 19DA02542 et n° 19DA02543).
A ce titre, il est intéressant de noter que le Conseil d’état est récemment venu confirmer cette position. Dans un arrêt du 21 février 2025 (Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 21/02/2025, n°493902), le Conseil d’état a en effet considéré qu’en cas de recours contentieux contre un permis de construire, le délai est suspendu jusqu’à la date à laquelle la décision juridictionnelle rendue sur ce recours devient irrévocable. Soit nécessairement à la date d’expiration des délais de recours, s’il y a lieu, contre la décision de justice en cause.
Dans cette affaire, le permis de construire qui avait été accordé à la société Logirem le 30 mars 2016, lui a été notifié le 5 avril 2016 et avait fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir introduit le 13 septembre 2016 devant le TA de Marseille. Ce recours avait été rejeté par un jugement du 26 octobre 2017, devenu irrévocable, en l'absence de recours, le 28 décembre 2017. Le délai de validité prévu à l'article R.424-17 avait, dès lors, été suspendu du 13 septembre 2016 au 28 décembre 2017 pour expirer, compte tenu de la prorogation d'une année obtenue par le pétitionnaire, le 18 juillet 2021.
[Antoine] : D’ailleurs, en cas de recours, suis-je tenu de payer la taxe d’aménagement et la taxe d’archéologie préventive ?
[UM] : L’article L. 278 du Livre des procédures fiscales dispose que “en cas de contestation par un tiers auprès du tribunal administratif du permis de construire ou de la non-opposition à la déclaration préalable, le paiement des impositions afférentes à cette autorisation est différé, sur demande expresse de son bénéficiaire, jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle devenue définitive. A l'appui de sa demande, le bénéficiaire de cette autorisation doit constituer auprès du comptable les garanties prévues à l'article L. 277. La prescription de l'action en recouvrement est suspendue jusqu'au prononcé de la décision définitive”.
Il s’agit de la seule hypothèse permettant de suspendre le paiement de ces taxes.
[Antoine] : Une fois les travaux commencés, le permis reste valable quelle que soit la durée des travaux ?
[UM] : Oui, tout à fait, dès lors que tu n’as pas d’interruption de plus d’1 an, après l’écoulement du délai de validité de 3 ans.
[Antoine] : Sauf erreur, le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux marque la fin des travaux. C’est bien ça ?
[UM] : Oui tout à fait, si ce n’est que depuis 2007, la déclaration d’achèvement des travaux a été remplacée par la Déclaration Attestant de l’Achèvement et de la Conformité des Travaux (DAACT).
[Antoine] : Merci pour la précision. Y’a t’il un délai pour procéder à son dépôt ?
[UM] : Non, les textes ne précisent aucun délai pour cela. Il est toutefois dans l’intérêt du titulaire de l’autorisation de procéder au dépôt de cette DAACT le plus rapidement possible.
A ce titre notamment, l’article R.600-3 prévoit que :
“Aucune action en vue de l'annulation d'un permis de construire ou d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable n'est recevable à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'achèvement de la construction ou de l'aménagement.
Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1.”
En principe toutefois, si tu as correctement affiché ton permis sur le terrain, tu n’a plus à te soucier d’un quelconque recours en annulation. Dans ce cas, la portée de cette disposition est alors très limitée.
[Antoine] : D’ailleurs, sans vouloir trop abuser, pourriez-vous rapidement me rappeler comment j’obtiens ma conformité ?
[UM] : Le dépôt de la DAACT est effectué sur la base du formulaire CERFA n°13408. Il est signé par le bénéficiaire du permis de construire (ou d'aménager ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable) ou par l'architecte ou l'agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux (C. urb. art. R. 462-1, al. 1er).
La nouvelle procédure de déclaration n’est plus fondée sur une demande à laquelle l’administration apporte une réponse mais sur un engagement du pétitionnaire quant à la conformité de ses travaux et à la possibilité offerte à l’administration de procéder à un contrôle.
A compter de la date de réception en mairie de la DAACT, l'autorité compétente dispose d'un délai de 3 mois pour contester la conformité des travaux au permis (ou à la déclaration). Ce délai est porté à 5 mois lorsqu'un récolement des travaux est obligatoire (C. urb., art. R. 462-6).
Passé ce délai, l'autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux (C. urb., art. L. 462-2, al. 2), pas même indirectement à l'occasion de travaux ultérieurs.
[Antoine] : Tout ça c’est très intéressant, mais comment j’obtiens mon certificat de conformité ?
[UM] : L’autorité compétente ne délivre plus de “certificat de conformité” depuis 2007. Tu peux en revanche obtenir une “attestation de non contestation de la conformité”.
En effet, lorsqu'aucune décision n'est intervenue dans le délai prévu à l'article R. 462-6 du code de l'urbanisme (3 mois ou 5 mois en cas récolement obligatoire), une attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis (ou la déclaration) n'a pas été contestée est délivrée sous quinzaine, par l'autorité compétente, au bénéficiaire du permis ou à ses ayants droit, sur simple requête de ceux-ci. En cas de refus ou de silence de l'autorité compétente, cette attestation est fournie par le préfet, à la demande du bénéficiaire du permis ou de ses ayants droit.
[Antoine] : Et… si jamais elle conteste ?
[UM] : Lorsqu'elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation, l'autorité compétente pour délivrer le permis (ou prendre la décision sur la déclaration préalable) met en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée.
[Antoine] : Est-il possible d’obtenir une conformité partielle ?
[UM] : Oui tout à fait. Bien que la notion de “conformité partielle” ne soit pas expressément mentionnée, les textes précisent à ce titre que la DAACT indique si l'achèvement concerne “la totalité ou une tranche des travaux”. (C. Urb. Art. R.462-2)
Deux précisions s’imposent toutefois :
En premier lieu, la doctrine considère globalement que l’obtention d’une “conformité partielle” n’est pas subordonnée au fait qu’il soit précisé au sein du formulaire de demande de permis de construire seront réalisés par tranche ;
En deuxième lieu, la possibilité d'obtenir une conformité partielle n’est absolument pas liée à l’obtention d’un permis de construire valant division. Elle peut parfaitement être obtenue dans le cadre d’un permis de construire classique dès lors que les constructions édifiées au sein de chacune des tranches sont autonomes les unes des autres.
[Antoine] : Pour revenir sur le sujet du délai de validité du permis de construire, si j’obtiens un permis de construire autorisant la réalisation de deux bâtiments strictement indépendant l’un de l’autre et que j’obtiens une conformité partielle sur l’un deux, mais que je ne réalise jamais le second bâtiment, est-ce qu’il y a un risque que cela entraine la caducité de l’intégralité de mon permis de construire… ce qui ferait tomber ma conformité partielle ?
[UM] : C’est une très bonne question et la question reste discutée. Certains auteurs considèrent effet qu’il y a un risque.
A noter par ailleurs que dans le cadre d’une réponse ministérielle (ici), le gouvernement est venu préciser que :
“En cas de péremption du permis de construire, les travaux déjà exécutés avant l'abandon du chantier peuvent être constitutifs d'une infraction pénale devant être constatée par l'établissement d'un procès verbal, dans les conditions prévues à l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme. En effet, ces travaux sont réputés non conformes à l'autorisation d'urbanisme délivrée. Par conséquent, il y a lieu de considérer qu'ils ont été exécutés en méconnaissance des prescriptions imposées par le permis de construire, au sens de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme. En cas de condamnation, le juge peut assortir sa décision d'une obligation de rétablissement des lieux dans leur état antérieur.”
La portée de cette réponse ministérielle reste toutefois discutée.
Quoi qu’il en soit, le meilleur moyen d’écarter tout risque (de caducité de l’entier permis et d’infraction pénale), sera de procéder au dépôt d’une demande de permis de construire modificatif afin de supprimer la partie non réalisée du permis initial.
Cette solution est d’autant plus facile à mettre en œuvre car, comme tu le sais à présent, l’obtention d’un PCM est uniquement subordonnée, depuis un arrêt du 26 juillet 2022, au fait que “les modifications envisagées n’apportent pas au projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature” (pour aller plus loin sur le sujet c’est ici)
Voilà Antoine, tu en sais désormais beaucoup plus sur le sujet. J’espère que ça t’a plu.
[Antoine] : Merci les gars !

