Différences entre conditions suspensives et conditions résolutoires

Tous les mois, nous vous proposons de décortiquez une nouvelle aventure immobilière d'Antoine, notre personnage fictif, à l'occasion d'un échange avec Eric et Sébastien, cofondateurs d'UrbanSolutions et de la newsletter (Un)Mute. Dans cet article vous apprendrez ce qu’est une Data Room, la différence entre conditions suspensives et conditions résolutoires

MONTAGE D'OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES

2/6/20237 min read

Lundi 30 janvier 2023

Nous retrouvons Antoine qui, après quelques nuits assez courtes et plusieurs litres de Maté, vient enfin de mettre un point final à son courrier d’offre et de l’envoyer par email au représentant de la succession.

Il est assez facile de lire sur son visage le sentiment de fierté, d’excitation et l’énergie que cette première étape lui procure. Il se plait déjà à rêver de son futur projet et des ambitions environnementales qu’il souhaite lui voir porter.

Pour être tout à fait francs, ce sentiment de plénitude fait place, assez rapidement, à un certain stress ou, comme dirait l’autre, à un stress certain.

Mais, attendez, nous venons de nous rendre compte que cela fait un mois que nous ne nous sommes pas vus et qu’il vous manque une partie de l’histoire !

Nous vous proposons de prendre la machine à explorer le temps et de revenir quelques jours en arrière.

C’est vrai que cette machine est un peu Kitch mais on y retrouve le charme de l’ancien et la Delorean DMC-12 n’était pas disponible en raison des difficultés actuelles d’approvisionnement de certains produits et composants, consécutives aux événements récents en Ukraine.

Promis, nous allons essayer de ne pas vous envoyer en l’an 802 701 car pour vous, comme pour nous, la rencontre avec les Eloïs et les Morlocks serait assez surprenante.

Lundi 16 janvier 2023 :

[UnMute] : Bonjour Antoine, ravis de te retrouver. Nous sommes contents de voir que le tableau synthétique que nous t’avons communiqué t’a permis d’avancer dans ton projet et d’y voir un peu plus clair sur ses éventuels risques / opportunités.

[Antoine] : Ce travail m’a effectivement permis de prendre connaissance des dispositions d’urbanisme applicables au terrain en me plongeant dans la lecture du règlement du PLU, de vérifier l’accessibilité du site, de supposer que le risque de recours contre le permis de construire est assez relatif du fait du peu de constructions avoisinantes et, finalement, de conforter ma programmation.

[UnMute] : On te l’avait dit, ce travail est essentiel !

[Antoine] : Cependant, je ne dispose d’aucune information sur le terrain proprement dit. Un copain ingénieur m’a dit qu’il fallait s’assurer qu’il n’était pas pollué, ne comportait pas d’ouvrages enterrés, qu’il avait des caractéristiques mécaniques qui lui permette de supporter les bâtiments que je prévois de construire, voire qu’il ne comportait pas de bombes ou engins explosifs qui seraient liés aux combats des derniers grands conflits (il est sérieux ??).

J’avoue que je ne sais pas bien comment gérer ce sujet.

[UnMute] : Si le vendeur du terrain dispose de ces éléments, il devrait te les mettre à disposition par l’intermédiaire de Me LARIEUX. Pour ta culture, dans le cadre de certaines opérations complexes, le Notaire qui assiste le vendeur ouvre ce que l’on appelle une Data Room.

Il s’agit d’un support électronique dans un serveur sécurisé accessible à partir d’internet qui sert à stocker toutes les informations relatives à l’opération, à mettre à disposition ces informations, au même moment à tous les intervenants et à assurer leur confidentialité. Un service de messagerie intégré permet généralement de poser des questions sur les documents consultés. Espace notarial est le service de Data room spécialement conçu pour la profession notariale.

Toutefois, compte tenu de la nature de l’opération sur laquelle tu travailles, il est peu probable que Me LARIEUX ouvre une telle Data Room.

Par ailleurs, le vendeur n’étant pas un professionnel de l’immobilier, il est fort probable qu’il n’ait pas, préalablement à la vente, fait réaliser ces d’études ou diagnostics.

Dans cette situation, il faut que tu intègres dans ton courrier d’offre des conditions suspensives spécifiques, comme tu as certainement prévu de le faire concernant l’obtention de ton permis de construire, de ton financement et de la pré-commercialisation de ton opération.

[Antoine] : Je comprends, c’est clair. J’ai lu quelque part qu’il y avait aussi des conditions résolutoires, c’est la même chose ?

[UnMute] : Non, pas vraiment. Si nous devions prendre une image se rapportant à l’escrime, les conditions suspensives se rapprocheraient du fleuret (une arme légère, flexible, de convention) là où les conditions résolutoires s’apparenteraient plutôt à un glaive (une arme beaucoup plus rustre, que l’on manie avec moins d’agilité et qui anéantie tout sur son passage).

Pour ceux qui seraient plus sensibles à l’univers de la BD ou des blockbusters américains qu’à celui de l’escrime, les conditions suspensives seraient Captain América là où les conditions résolutoires seraient Hulk 😉.

Plus concrètement, dans une opération immobilière, le foncier est l’alpha et l’oméga du développement immobilier. Sans foncier, pas de permis, sans permis, pas d’opération et sans opération … pas d’opération.

C’est ce que l’on appelle un actif. Cet actif a une valeur qui est fonction, de sa situation géographique, naturellement, mais également de sa constructibilité, de sa desserte, des règles plus ou moins contraintes du PLU qui s’y appliquent, du fait que tu disposes ou pas d’une autorisation administrative t’autorisant à y construire des ouvrages (permis de construire, …), de la programmation envisagée ET de ses caractéristiques physiques propres comme le fait de savoir s’il est occupé, s’il est pollué, s’il a des caractéristiques mécaniques qui lui permettent de supporter le poids de tes bâtiments sans la réalisation de fondations profondes, s’il est le siège d’une installation ICPE, s’il comporte des ouvrages enterrés, éventuellement des engins pyrotechniques (bombes, munition, …) la présence ou non de servitudes, qu’il ne supporte pas de prescription de diagnostic ou de fouille archéologiques, …

Ce sont ces éléments que tu dois valider en amont de ton offre ou pendant la durée de la promesse de vente du terrain.

Si tu ne le fais pas et que tu découvres des caractéristiques différentes de celles que tu avais prises en compte dans ton offre (on parle dans la profession de « sujétions » qui dans ce cas-là sont imprévues) il est fort probable que tu auras payé ton foncier trop cher. Comme tu ne pourras plus ou difficilement jouer sur ton « haut de bilan » (le bilan de promotion comporte en haut le prix du terrain), tu devras jouer sur le « bas de bilan », c’est-à-dire soit payer moins cher tes prestataires, maître d’œuvre et l’entreprise de travaux, soit vendre plus cher ton opération soit encore, à défaut de pouvoir y procéder, diminuer ta marge. Compte tenu de la tension actuelle sur le coût des matériaux et les incertitudes sur le marché, notamment en raison de la hausse des taux d’intérêts, je crains bien que la variable d’ajustement soit ta marge.

[Antoine] : !?!

[UnMute] : Attends Antoine, il existe une solution et c’est là qu’interviennent les conditions suspensives que tu vas intégrer dans ton courrier d’offre et ensuite dans la promesse de vente.

Le beauté du travail (c’est pour cela que je l’assimile au fleuret) va consister à écrire les conditions de ton engagement c’est-à-dire les événements dont tu n’as pas aujourd’hui connaissance (donc futurs) et dont tu ne sais pas s’ils vont être positifs ou négatifs (donc incertains).

Ces conditions vont :

  • dans un cas (celui des conditions suspensives) retarder ton engagement ce qui implique que tu ne seras tenu d’acheter le foncier qu’une fois ces conditions réalisées. Dans ton cas, la condition suspensive sera que tu obtiennes ton permis de construire, ton financement ainsi qu’un ou plusieurs diagnostic(s) par un bureau d’étude confirmant que le terrain n’est pas pollué, ne comporte pas d’engins pyrotechniques et n’exige pas la réalisation de fondations spéciales dont le coût remettrait en cause ton projet. On dit que l’accomplissement de la condition suspensive rend l'obligation pure et simple (C. civ., art. 1304, al. 2). Une telle condition affecte donc la naissance de l'obligation.

  • Dans un autre cas (celui des conditions résolutoires) jouer sur le maintien des obligations. L'accord est formé dès la signature et les engagements sont réputés immédiatement exécutables mais les parties ignorent si le contrat perdurera ou s'il sera rétroactivement anéanti. On dit que l’accomplissement de la condition résolutoire entraîne l'anéantissement de l'obligation (C. civ., art. 1304, al. 3).

Nous n’allons pas plus loin à ce stade sur les conditions résolutoires car tu n’es pas concerné mais rappelle-toi du glaive (ou de Hulk) et du fait qu’elles ne sont à utiliser qu’exceptionnellement et avec beaucoup de précaution.

[Antoine] : Je vous remercie, je vois exactement les conditions que je devrais intégrer dans mon courrier d’offre.

[UnMute] : Aucun problème, tu avais fait le plus gros du travail en te posant toutes ces questions en amont. Pour leur rédaction, tu peux t’appuyer sur le modèle de courrier d’offre que nous t’avons communiqué précédemment (si vous voulez vous abonner à la version Premium c’est par ici 👇) et qui comporte en annexe une liste des principales conditions suspensives à mobiliser au cas par cas.

[Antoine] : Parfait !

[UnMute] : Il faut que ce que tu souhaites et ce que souhaite le vendeur du terrain (on parle de la volonté des parties) soit clairement identifiée, soit en amont afin de la traduire dans des clauses claires et dépourvues d’ambiguïté, soit en aval à la lecture du contrat, afin de répondre aux questions sur les conséquences de telle ou telle clause.

Une condition ne peut jamais dépendre de la seule volonté d’une partie il s’agit alors d’un droit que l’on dit être « potestatif (purement pour les puristes) » . Afin d’éviter cela :

  • S’agissant de la condition de permis de construire : tu préciseras par exemple la programmation et la surface habitable ou de plancher, tu t’engageras à déposer le dossier de demande dans un certain délai,

  • S’agissant d’un financement : tu préciseras le montant du prêt et le taux maximum auquel il devra être accordé,

  • S’agissant d’une condition de sol/sous-sol : tu préciseras que ne soit pas nécessaire la réalisation de tels ou tels travaux complémentaires ou la prise en charge de tel ou tel surcout et solliciteras un diagnostic d’un bureau d’étude spécialisé.