Etablissements Recevant du Public (ERP) et Etablissements Recevant des Travailleurs (ERT)

Tous les mois, nous vous proposons de décortiquez une nouvelle aventure immobilière d'Antoine, notre personnage fictif, à l'occasion d'un échange avec Eric et Sébastien, cofondateurs d'UrbanSolutions et de la newsletter (Un)Mute

MONTAGE D'OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES

Sébastien Joubert-Gauthier

7/3/20238 min read

Vendredi 30 juin 2023, 20h08, sur le rooftop de HTSM (Heavy Toys and Slash Machines) sur le parking silo du quartier de La Maillerie (59)

Une fois n’est pas coutume, nous retrouvons nos trois comparses sous une autre latitude puisque Antoine et Eric ont profité de l’invitation de Sébastien pour venir découvrir Lille.

[Antoine] : C’est vraiment chouette ce qui a été fait par les promoteurs sur le quartier ainsi que sur l’aménagement de la toiture de ce parking.

[UM**] : Le rooftop est une extension du restaurant situé au rez-de-chaussée. Une vingtaine de mètres plus haut, le toit-terrasse, qui a été inauguré il y un an, est l’un des plus grands de France et connait déjà un franc succès.

[Antoine] : Je me verrais bien réaliser un lieu identique sur mon opération de FIDIACE ou une prochaine.

[UM**] : C’est sûr que c’est un lieu qui peut participer à donner une identité ou une couleur particulière à ton opération et être un vrai attracteur. Cependant, il ne faut pas négliger les contraintes, notamment celle de prendre en compte cette utilisation dés la phase de conception et d’obtenir une autorisation ERP.

[Antoine] : Je savais que les centres commerciaux ou des ensembles de cette nature et de cette importance étaient qualifiés d’Etablissement Recevant du Public mais pas un rooftop. Je suis très étonné de ce que vous me dites.

[UM**] : Pour mieux comprendre, il faut se référer au Code de la construction et de l’habitation (CCH) et plus précisément à l’article R 143-2 sous le visa duquel on retrouve la définition des ERP :

« Constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. »

Ce même article stipule que :

« Sont considérés comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l’établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel. ».

C’est donc une définition extensive que nous donne le CCH puisqu’il ne fait pas ni du nombre de personnes reçu ni du caractère payant de la réception un critère distinctif de l’ERP.

Dit autrement, on ne peut pas arguer qu’un petit nombre de personne seulement est accueilli ou encore que cet accueil soit gratuit ou réalisé dans un cadre associatif pour de ne pas appliquer la réglementation ERP.

[Antoine] : J’étais persuadé qu’il y avait un effet de seuil et qu’en dessous d’un certain nombre de personnes on n’était pas concerné par la réglementation.

[UM**] : Cela ne fonctionne pas exactement de cette manière.

Ce qu’il faut retenir c’est que la réception du public par un établissement constitue un risque spécifique et complémentaire par rapport à la seule réception de salariés.

Les premiers sont qualifiés d’Etablissements recevant du Public (ERP) et les seconds d’Etablissements soumis au Code du Travail (ERT). Cela implique que les ERP soient plus particulièrement soumis à des obligations de sécurité contre l’incendie et la panique qui doivent être intégrées dans la conception, la réalisation et la vie de l’établissement et ce, dans le but de permettre :

- L’évacuation rapide et en bon ordre de la totalité des personnes, ou leur mise à l'abri si celle-ci est nécessaire,

- L’intervention des secours,

- La limitation de la propagation de l'incendie avec des matériaux et des éléments adaptés.

Pour l'application du règlement de sécurité, un ERP est classé à la fois par type selon son activité et par catégorie selon sa capacité d’accueil.

L'activité, ou « type », est désignée par une lettre définie par l’article GN 1 du règlement de sécurité incendie dans les ERP, suivant que l’établissement est installé dans un bâtiment ou est qualifié de spécial.

[Antoine] : Tu évoquais également une distinction entre les ERP en différentes catégories ?

[UM**] : Les ERP sont en effet classés en 5 catégories en fonction de leur capacité d'accueil. Les salariés sont comptés avec le public admis dans l'établissement sauf pour la 5ème catégorie.

Les catégories sont déterminées en fonction :

- de l’effectif du public, déterminé, selon les cas, d’après le nombre de places assises et la surface réservée au public ;

- l’effectif du personnel de l’établissement (n’occupant pas de locaux indépendants) sauf pour les établissements de 5ème catégorie.

Ces valeurs correspondent au nombre maximal de personnes autorisées par les services départementaux d’incendie et de secours à être présentes en même temps dans l’établissement pour des raisons de sécurité incendie et d’évacuation. Le nombre maximal admissible de personnes est notamment lié à la superficie de l’établissement.

[Antoine] : Je comprends que ces distinctions visent à graduer les contraintes en matière de sécurité à appliquer ?

[UM**] : Oui, c’est tout à fait ça. Les mesures de sécurité et de prévention sont proportionnées à l'activité et au public accueilli dans l'établissement. Aussi, le règlement de sécurité divise les catégories d'ERP en 2 groupes suivant le nombre de personnes pouvant être admises et leur aptitude à évacuer le bâtiment lors d'un incendie. Le 1er groupe comprend la 1re, 2e, 3e et 4e catégorie. Le 2e groupe est constitué de la 5e catégorie.

Le règlement comprend des prescriptions générales communes à tous les établissements et d'autres particulières à chaque type d'établissement.

Lorsqu'un même bâtiment abrite plusieurs activités, les mesures de prévention et de sauvegarde de sécurité de chaque activité s'appliquent à la partie du bâtiment qu'elle occupe.

Les règles techniques s'appliquent notamment aux points suivants :

  • Matériaux de construction et d'aménagement intérieur résistants au feu,

  • Isolation par rapport aux tiers,

  • Dégagements,

  • Installations techniques,

  • Moyens de secours,

  • Désenfumage,

  • Dispositifs d'alarme et d'avertissement,

  • Éclairage de sécurité obligatoire.

[Antoine] : Tu évoquais tout à l’heure que dès la conception cette qualification en ERP entraînait des conséquences. Est-ce qu’elle implique l’obtention par le promoteur d’une autorisation complémentaire ?

[UM**] : Lorsqu’un projet de construction porte sur un ERP, le CCH impose l’obtention d’une autorisation d’ouverture délivrée par l’autorité administrative. L’article L. 122-3 dispose ainsi, en son alinéa 1er, que :

« Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative, qui vérifie leur conformité aux règles d'accessibilité prévues à l'article L. 161-1 et, lorsque l'effectif du public et la nature de l'établissement le justifient, leur conformité aux règles de sécurité contre l'incendie prévues aux articles L. 141-2 et L. 143-2 ».

[Antoine] : Comment est-ce que cela s’articule avec le permis de construire que l’on doit « traditionnellement » obtenir, si je peux utiliser cet adjectif vu ma courte expérience en la matière 😉 ?

[UM**] : Le législateur a défini les modalités d’articulation entre l’autorisation ERP et le permis de construire en distinguant deux situations.

Lorsque l’aménagement intérieur de l’établissement est connu lors du dépôt de la demande de permis de construire, le système applicable est celui du guichet unique.

Dans le cas où le projet est soumis à une autorisation au titre du Code de l’Urbanisme (le permis de construire pour ce qui nous concerne) et au titre d’une autre réglementation (en l’occurrence la réglementation sécurité incendie), ce mécanisme dispense le pétitionnaire d’avoir à recueillir auprès de chaque autorité compétente et une à une les diverses autorisations requises.

Le législateur a en effet prévu que dans ce cas de figure, le permis de construire « tient lieu de l’autorisation » prévue par l’article L 122-3 du CCH dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité administrative compétente (C. urb., art. R. 425-15, al. 1er. – C. urb., art. L. 425-3, ajoutant que cette autorité « peut imposer des prescriptions relatives à l’exploitation des bâtiments » en application de l’article L 143-2 du CCH et que, dans ce cas, le permis de construire « mentionne ces prescriptions »).

[Antoine] : Comment est-ce que cela se passe lorsque l’aménagement intérieur n’est pas connu lors du dépôt de la demande de permis de construire ?

[UM**] : Cette question a pendant longtemps posé question et le législateur est venu en 2011 clarifier le sujet en complétant l’article R. 425-15 d’un second alinéa :

« Le permis de construire indique, lorsque l'aménagement intérieur de l'établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connu lors du dépôt de la demande, qu'une autorisation complémentaire au seul titre de l'article L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée et obtenue avant son ouverture au public en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée.»

Par ailleurs, dans un arrêt très récent (ici), le Conseil d’État affirme, après avoir rappelé cette disposition, que lorsque l’aménagement intérieur de l’ERP n’est pas connu au moment de la délivrance du permis de construire :

- Le permis de construire ne tient lieu « ni d’autorisation d’aménagement ni d’autorisation de création au titre de la réglementation des établissements recevant du public » et que, dès lors, sa légalité n’est « pas subordonnée à la délivrance d’une telle autorisation de création »,

- Que cette circonstance ne fait pas obstacle à la délivrance du permis de construire.

En effet, si les conditions de délivrance du permis de construire sont satisfaites, l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme prend un arrêté de permis en indiquant dans celui-ci, à l’attention du pétitionnaire, qu’il reviendra à ce dernier d’obtenir l’autorisation ERP avant toute ouverture au public.

L’innovation de l’arrêt est principalement de poser le principe qu’il n’est pas exigé d’avoir obtenu au préalable l’autorisation ERP dans une telle situation, pour la simple raison que, dans un tel cas de figure, le permis de construire ne tient pas lieu d’autorisation ERP. Cela signifie concrètement qu’au lieu d’avoir à mettre en œuvre une seule formalité (par le système du guichet unique que j’évoquais tout à l’heure), le porteur du projet doit en accomplir deux, de façon séparée et successive. Il obtient d’abord le permis de construire puis, une fois l’aménagement intérieur connu (et pour pouvoir ouvrir), l’autorisation ERP.

[Antoine] : Dans ce cas, est-ce que c’est la même autorité que pour le permis de construire qui est compétente pour délivrer l’autorisation ERP ?

[UM**] : L’article L 122-3 dispose, en son alinéa 1er, que l’autorisation est délivrée « par l'autorité administrative ».

[Antoine] : Ça ne m’avance pas beaucoup si ? 😉

[UM**] : Je te concède que la formule est imprécise mais fréquemment utilisée. Elle renvoie habituellement à une autorité de l’État. Toutefois, celle-ci peut être aussi bien le maire agissant au nom de l’État que le préfet ou encore un ministre.

S’agissant des ERP, l’article R. 122-7 du CCH attribue la compétence de principe au maire (exception faite du Département de Paris pour lequel cet arrêt nous dit que l’autorité compétente est le préfet de police). Il ajoute que le préfet n’est compétent que dans deux cas de figure :

- D’une part lorsque le représentant de l’État est compétent pour délivrer le permis de construire,

- D’autre part lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur (IGH).

[Antoine] : Et au final, le délai d’instruction du permis de construire est-il le même qu’habituellement ?

[UM**] : En matière d’ERP, le délai d’instruction ne sera pas le délai d’instruction de droit commun de 3 mois à compter du dépôt du dossier de demande de permis de construire mais de 5 mois. Tu devras joindre à ta demande les PC 39 et 40 qui sont deux dossiers permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles d’accessibilité aux personnes handicapées (PC39) et avec les règles de sécurité (PC40).

[Antoine] : Merci beaucoup les amis, j’en sais désormais beaucoup plus sur les ERP. C’est vraiment passionnant de pouvoir échanger avec vous sur tous ces sujets.