Gatien Casu, avocat associé du cabinet Léga-Cité

Retrouvez ici notre interview d’un professionnel de l’immobilier qui nous partage son actualité et nous en dit un peu plus sur lui et son activité. Cette semaine, nous avons eu le plaisir d’accueillir Gatien Casu, avocat associé du cabinet Léga-Cité à Lyon.

INTERVIEW

12/16/20246 min read

[UM] : Bonjour Gatien, nous sommes ravis de t’accueillir par la dernière interview de cette année. Pour débuter, pourrais-tu te présenter en quelques mots pour nos lecteurs qui ne te connaitraient pas ?

GC : En quelques mots ? Je suis né, j’ai grandi et j’habite à quelques kilomètres de la magnifique ville de Lyon (un peu de chauvinisme pour commencer, cela ne fait pas de mal).

Après un baccalauréat scientifique, je me suis dirigé vers des études de droit. Je ne me rappelle même pas comment j’en suis arrivé à étudier Portalis ou Josserand, alors qu’à l’origine je voulais être…prof de sport.

Bref, j’ai d’abord choisi d’étudier le droit public (Licence et Master), avant d’être attiré par le droit privé (Master et Doctorat). A l’issue de la thèse, j’ai été qualifié par le CNU puis recruté dans la foulée par l’Université Lyon 3 en qualité de Maître de conférences. C’était en 2014. 10 ans déjà !

[UM] : Le Cabinet Léga-Cité a été créé en 1984 par Bertrand Peyrot. Il s’agit aujourd’hui de l’un des cabinets les plus renommés de Lyon et sa région en matière de droit de l’urbanisme, de l’immobilier et de la construction. Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur le cabinet, son organisation et ses domaines d’intervention ?

GC : Le cabinet a été structuré de manière à pouvoir répondre à l’ensemble des problématiques auxquelles les promoteurs, constructeurs de maisons individuelles et, plus généralement, maîtres d’ouvrage, sont susceptibles d’être confrontés dans la conception et la mise en œuvre de leur projet immobilier.

Quatre grands pôles ont été créés, suivant la chronologie d’une opération de promotion :

  • Le premier traite des problématiques liées à la maîtrise du foncier (promesses de ventes, servitudes, bornage…) ;

  • Le deuxième accompagne les clients confrontés aux méandres du droit de l’urbanisme (droit du lotissement, audit de permis de construire, expropriation…) ;

  • Le troisième, auquel je suis rattaché, répond aux questions liées à la construction (montages immobiliers complexes et contentieux)

  • Et le quatrième traite de toutes les questions liées à la gestion de l’immeuble.

La plupart des majors de la promotion sont des clients fidèles du cabinet, certains depuis plusieurs dizaines d’années.

[UM] : Tu as débuté ta carrière par l’enseignement et tu es toujours maître de conférences à l’Université Lyon 3 (NDLR : superbe université dont est issu Eric 😉). Peux-tu nous expliquer ce qui t’a amené à rejoindre la profession d’avocat ?

GC : C’est vrai que l’Université Lyon 3 est une superbe Université 😊 ! Et c’est une vraie fierté d’avoir été recruté après mon doctorat. Il reste qu’après dix années à écrire et enseigner, j’ai ressenti le besoin de « mettre les mains dans le moteur » et de vivre de l’intérieur ce qui constituait jusqu’à présent un objet d’études.

[UM] : Pour notre part, nous t’avons découvert en 2020 au travers d’un article cosigné avec Stéphane Bonnet dans lequel tu faisais une analyse des conséquences de la pandémie sur les projets immobiliers, à la fois en phase étude et en phase construction ainsi qu’une critique de l’ordonnance du 25 mars 2020. Dans tous le brouhaha et les pseudos analyses de l’époque, nous avions trouvé une vraie hauteur de point de vue et une qualité d’écriture. Je crois que tu interviens toujours dans plusieurs chroniques. Peux-tu nous en dire plus ?

GC : Merci pour ce compliment ! Il nous fait d’autant plus plaisir que la rédaction de cet article n’a pas été de tout repos.

Nous devions gérer les appels des clients qui, paniqués, ne savaient pas quoi faire (délivrer un ordre de service d’interruption des travaux, avec quelles incidences sur le délai de livraison ?). A dire vrai, nous étions nous aussi confrontés à une situation inédite. Le Gouvernement, de son côté, faisait son possible…d’une manière plus ou moins heureuse et avec plus ou moins de réussite. Notre but était de livrer notre réflexion au plus grand nombre, même s’il fallait pour cela passer quelques nuits blanches à rédiger (les journées étant déjà occupées à garder les enfants en bas âge…).

J’essaie encore d’écrire aussi régulièrement que possible, même si ce n’est jamais assez. Je contribue à la chronique annuelle de droit de la construction publiée au JCP, je dirige également la chronique CCMI de la Revue du Droit Immobilier publiée aux éditions Dalloz et prends la plume de manière épisodique dans certaines revues plus spécialisées telles que la revue Actes pratiques et ingénierie immobilière.

[UM] : Une journée ne fait que 24 heures… comment parviens-tu à concilier ton activité d’avocat, ton poste d’enseignant, les articles que tu rédiges dans plusieurs revues et ta vie de famille ?

GC : En voilà une belle interrogation ! Je crois que c’est une question d’organisation et d’équilibre. Chaque minute doit être utilement employée. Je consacre toute mes journées aux clients ou aux étudiants. Je rentre tôt pour m’occuper des enfants deux ou trois soirées par semaine. Une fois couchés, je me consacre à la préparation des cours, à l’écriture d’articles, aux corrections de copies…ou au sport, indispensable pour évacuer le stress de la journée.

Ce n’est pas de tout repos, mais je me dis que j’aurai tout le temps de me reposer quand je serai mort…

[UM] : Peux-tu nous dire ce que représente l’enseignement, ce que cela t’apporte et ta façon de l’aborder ?

GC : L’enseignement est un peu ma récréation de la semaine. J’aime cela. Voir les étudiants me permet de me sentir jeune…même si ce n’est plus qu’un sentiment aujourd’hui 😊.

Sérieusement, je crois que l’activité d’avocat est un excellent complément à l’activité d’enseignant. Mes cours sont aujourd’hui nourris d’exemples qui me permettent de maintenir l’attention (ou la tension), surtout lorsqu’il s’agit d’enseigner la procédure civile ou le droit de la construction, deux matières que les étudiants jugent souvent hermétiques.

[UM] : En tant qu’acteur et observateur du secteur de l’immobilier, peux-tu nous dire comment selon toi la crise actuelle a impacté la manière d’aborder les opérations et les pratiques juridiques ?

GC : La crise est là, c’est une certitude. Les clients sont victimes d’un « effet ciseaux » à plusieurs lames : hausse du prix du foncier, hausse du coût des matériaux et de la main d’œuvre, réduction des incitations fiscales et hausse des taux d’intérêt. Au-delà de ces problèmes conjoncturels, la contrainte réglementaire n’a jamais été aussi forte.

Bref, seuls résisteront les acteurs qui sauront se réinventer : réorientation vers la rénovation plutôt que la construction ; développement de la surélévation (même si les contraintes sont telles que la pratique est aujourd’hui réservée aux secteurs privilégiés tels que les stations de montagne). Certains constructeurs de maisons individuelles montent en gamme et jouent le jeu de la personnalisation ou, à l’extrême opposé, de la préfabrication.

De manière générale, je constate que les promoteurs privilégient aujourd’hui les opérations qui ne nécessitent pas de porter la charge foncière, quant ils ne se réorientent pas carrément vers des offres relevant de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage.

[UM] : Tu nous as parlé tout à l’heure du développement de l’IA. Quel sont selon toi les opportunités et les défis pour les juristes ?

GC : Le débat est sempiternel : l’IA est-elle un allié susceptible de nous aider à optimiser notre temps de travail ? Ou bien est-elle un danger susceptible de nous reléguer au rang de vieille relique ?

Il n’est pas incongru de penser que, demain, une IA pourra mieux que n’importe quel humain procéder à un audit de permis de construire. D’ailleurs, l’audit sera peut-être inutile dans la mesure où ledit permis aura peut-être été généré par l’IA. De la même manière, l’IA pourra sans doute proposer un contrat de promotion immobilière aussi bien que n’importe quel juriste rompu à l’exercice. Cela signifie que pour ce qui concerne le montage immobilier (je ne parle pas du contentieux) l’avocat ne sera plus indispensable que pour sécuriser les montages immobiliers les plus complexes. Reste à savoir s’il convient de s’en émouvoir, ou s’en réjouir…

Merci Gatien pour cet échange. A bientôt.