La Garantie Financière d'Achèvement (GFA) en matière de vente d'immeuble à construire

Tous les mois, nous vous proposons de décortiquez une nouvelle aventure immobilière d'Antoine, notre personnage fictif, à l'occasion d'un échange avec Eric et Sébastien, cofondateurs d'UrbanSolutions et de la newsletter (Un)Mute Aujourd'hui, nous allons aborder un pilier essentiel pour sécuriser les Ventes en l’Etat Futur d’Achèvement (VEFA) : la Garantie Financière d’Achèvement (GFA).

MONTAGE D'OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES

Sébastien Joubert-Gauthier

6/3/202412 min read

Samedi 1er juin 2024 23h00.

Nous retrouvons nos trois compères dans les travées du Chatrier à Roland Garros, Antoine ayant pu acheter trois précieux sésames pour assister au match entre Novak Djokovic et Lorenzo Musetti.

En apparence, le résultat de ce match est garanti mais dans le sport comme en matière de développement immobilier, il peut y avoir des surprises].

[Antoine] : Salut les gars, je suis content de vous retrouver. Même si cette année l’ambiance est particulière avec les conditions climatiques difficiles et l’élimination prématurée de Rafa Nadal1, j’ai beaucoup d’affection pour ce tournoi que je suis depuis tout petit.

Comme vous le savez, j’avance sur l’une de mes opérations et je discute actuellement avec la banque concernant la Garantie Financière d’Achèvement. Pouvez-vous m’expliquer quel est l’objet de cette garantie ?

[UM***] : L’objectif affiché du législateur est de garantir le risque encouru par les acquéreurs en l’état futur d’achèvement de devoir participer au financement de la construction, au fur et à mesure de son édification, sans avoir de garantie que la construction soit achevée, en cas de défaillance du vendeur.

Sous peine d’engager sa responsabilité, tout vendeur est ainsi tenu de fournir une GFA, dans le secteur protégé de la vente d'immeuble à construire, c’est-à-dire lorsque l'immeuble vendu est à usage d'habitation ou à usage mixte (professionnel et habitation).

Se trouvent ainsi protégés les acquéreurs les plus faibles et les plus dignes de l’attention du législateur : ceux qui cherchent à se loger.

Le vendeur a la possibilité de remplacer la GFA par la remise d'une garantie extrinsèque de remboursement des acomptes perçus dont l'objet n'est plus de garantir l'achèvement de l'ouvrage, mais d'assurer à l'acquéreur le remboursement des acomptes perçus, dans l'hypothèse de la résolution du contrat du fait de l'inachèvement de la construction.

[Antoine] : Peux-tu revenir sur cette notion de secteur protégé ?

[UM***] : Nous avons déjà évoqué cette notion mais retiens que pour distinguer le secteur protégé du secteur libre, c’est l’usage au sens du Code de la Construction et de l’Habitation qui compte et non la destination au sens du Code de l’urbanisme et ce, indifféremment des modalités de gestion du bien et de l’existence d’un bail ayant pour objectif son exploitation commerciale.

Ainsi, la Cour de Cassation a pu considérer que le secteur protégé de la VEFA est applicable à des résidences hôtelières dans la mesure où :

  • le contrat préliminaire mentionnait la vente d’un appartement, et

  • l’acte de vente précisait que lesdits locaux étaient à usage d’habitation.

Cette décision confirme un précédent arrêt rendu par la Cour de cassation dans lequel elle avait déjà précisé qu’une vente portant sur un lot d’un immeuble à rénover destiné à devenir une résidence avec services pour personnes âgées entrait dans le champ d’application du secteur protégé de la VEFA. Ceci à deux conditions : que des versements du prix de vente soient effectués avant l’achèvement et que le lot soit destiné à être habité par des personnes âgées (Cass. Civ. 3e, 7 janvier 2016, n°14-29.655 à 14-29.676).

Ce sera également le cas des résidences étudiantes.

A l’inverse, une résidence dans laquelle les “pensionnaires” font uniquement des séjours temporaires fera l’objet d’une vente en secteur libre.

Ainsi, l’immeuble à usage hôtelier fait parti du secteur libre (CA Pau, 12 janvier 2017 , n°14/04634) sauf, bien entendu si la consistance des logements permet une habitation pérenne.

[Antoine] : Elle concerne donc tous les vendeurs ?

[UM***] : A notre connaissance oui. Une réponse ministérielle de 2021 confirme par ailleurs que cette exigence est également applicable aux bailleurs sociaux lorsqu’ils mènent des opérations de construction de logements sociaux en partenariat avec des promoteurs, et ce sans considération de l’absence de risque de défaillance du bailleur social du fait de l’obtention de ses financements aidés.

[Antoine] : Tous les acquéreurs en VEFA sont bénéficiaires, même les bailleurs sociaux ?

[UM***] : Oui, tous.

[Antoine] : Est-ce également le cas en matière de Contrat de Promotion Immobilière sur lequel nous avons échangé il y a quelques mois ?

[UM***] : Lorsque le CPI est conclu en secteur protégé, l'article L 222-3 du CCH prévoit, non pas la remise d'une GFA, mais la fourniture d'une garantie de bonne exécution des obligations du promoteur, dont l'objet principal est de garantir le non dépassement du prix. Son objet est donc différent de la GFA puisque cette garantie n’a pas pour objet de garantir l’achèvement des travaux. Nous pourrons revenir sur cette notion, si tu le souhaites.

[Antoine] : A quel moment la GFA doit-elle être fournie ?

[UM***] : Les GFA doivent être obligatoirement fournies par le promoteur, au plus tard lors de la conclusion du contrat, et dans les formes requises.

L’article L 261-10-1 du CCH prévoit que la souscription de la GFA doit se faire « avant la conclusion du contrat » ce qui semble écarter la possibilité de conclure celui-ci sous condition suspensive de l'obtention de la garantie.

[Antoine] : Si je t’écoute, la fourniture de la GFA ne serait obligatoire qu’en secteur protégé. Or, si je ne me trompe pas, la vente à laquelle j’envisage de procéder est en secteur libre.

[UM***] : Tu as absolument raison, Antoine. Lorsque la vente d'immeuble à construire porte sur l'édification et la vente d'un immeuble à usage professionnel ou commercial, ou à usage mixte habitation et commercial, le contrat de vente n'entre pas dans le champ d'application du secteur protégé de la vente d'immeuble à construire et la fourniture d'une GFA n'est donc pas obligatoire.

Cela étant, les praticiens se sont inspirés de la GFA, mise en place par le législateur, pour étendre son bénéfice à des hypothèses non prévues par la loi, au premier chef desquels la VEFA en secteur libre. C’est ainsi qu’en négociation il est de pratique plus que courante que les acquéreurs en VEFA en secteur libre exigent du vendeur la fourniture d’une telle garantie.

La garantie que l’on qualifiera de « conventionnelle », pour la différencier de la garantie légale du secteur protégé, pourra dans ce cas être aménagée, par exemple en prévoyant un plafonnement, une étendue différente, des bénéficiaires différents, alors même que de tels aménagements sont proscrits en secteur protégé.

Par exemple, dans les montages de bureaux dans lesquels il y a un BEFA, le bénéfice de la GFA pourra être étendu au preneur à bail pour lui garantir l’achèvement de l’actif qu’il s’engage à louer. Nous retrouvons également cette demande des aménageurs qui, en contrepartie d'une renonciation au droit de demander la résolution de la vente du terrain pour le cas où le promoteur n'achèverait pas l'immeuble dans un délai donné, exigent le droit d'appeler en garantie la caution.

[Antoine] : Je comprends qu’en secteur protégé les bénéficiaires de la GFA sont limitativement prévus ?

[UM***] : Oui, en effet. L’article L 261-10-1 prévoit que la GFA peut être mise en œuvre uniquement par l’acquéreur, en cas de défaillance financière du vendeur.

Par acquéreur, il faut considérer l’acquéreur lui-même, les sous-acquéreurs en cas de cession de VEFA ainsi que le Syndicat des copropriétaires, au motif que cette garantie est liée à l'achèvement non pas seulement des parties privatives, mais également des parties communes.

Cela exclut donc, par exemple, le vendeur lui-même, les entreprises de construction, l'architecte, le futur preneur (qui aurait signé un bail en l'état futur d'achèvement).

[Antoine] : Concrètement, quelle forme prend cette GFA, s’agit-il d’une garantie à première demande ?

[UM***] : La GFA peut prendre, deux formes, au choix du promoteur :

  • Soit la forme d'une ouverture de crédit : Le promoteur doit, dans ce cas, justifier d'une ouverture de crédit auprès d'un établissement bancaire par laquelle la banque, s'oblige à avancer au vendeur, ou à payer pour son compte, les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble. Cette convention doit stipuler au profit de l'acquéreur (ou du sous-acquéreur) le droit d'en exiger l'exécution (stipulation pour autrui). Dans la pratique cette garantie est très peu utilisée, surement parce qu’elle peut être mobilisée, tant par l'acquéreur que par le vendeur défaillant lui-même et que les garants sont réticents à ouvrir la possibilité au vendeur de mettre en œuvre lui-même la garantie.

  • Soit celle d’un cautionnement : Il s'agit de la forme de garantie la plus couramment rencontrée. Il doit s'agir d'une convention de cautionnement solidaire, au terme de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur à payer, solidairement avec le vendeur, les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.

[Antoine] : Quelle est l’étendue de la GFA ?

[UM***] : La GFA est une garantie purement financière. En fournissant une GFA, la banque n’a pas une obligation de faire (terminer l’ouvrage) mais de « payer les sommes nécessaires » à l'achèvement de l'immeuble.

En matière de vente d'immeuble à construire, ou de vente d'immeuble à rénover, l'achèvement est défini par les articles R. 261-1 et R. 262-4.

Un immeuble est réputé achevé « lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à l'utilisation, conformément à sa destination, de l'immeuble faisant l'objet du contrat, à l'exception des travaux dont l'acquéreur se réserve l'exécution en application du II de l'article L. 261-15. »

Cet article précise également que « pour l'appréciation de cet achèvement, les défauts de conformité avec les prévisions du contrat ne sont pas pris en considération lorsqu'ils n'ont pas un caractère substantiel, ni les malfaçons qui ne rendent pas les ouvrages ou éléments ci-dessus précisés impropres à leur utilisation ».

[Antoine] : [alors que Djoko n’est pas au mieux et qu’il est mené 2 sets à 1 par Musetti]

Fichtre ! Si je vous suis bien, la référence à l'article R. 261-1 du CCH implique que la garantie exigée dans le secteur protégé ne couvre pas la levée des réserves ?

[UM***] : La GFA prend fin à l’achèvement de l’immeuble défini au sens de l’article R 261-1 du CCH (CCH art. R 261-24), c’est-à-dire en fonction de l’usage qui lui est destiné, par exemple l’habitabilité pour un immeuble d’habitation. Sauf stipulation contraire, cela exclut de la GFA les défauts de conformité avec les prévisions du contrat lorsqu'ils n'ont pas un caractère substantiel et les malfaçons qui ne rendent pas les ouvrages ou les éléments d’équipement indispensables impropres à leur utilisation (CCH art. R 261-1), et notamment les travaux de parachèvement et les finitions.

La Cour de Cassation a d’ailleurs pu rejeter leur pourvoi d’acquéreurs qui avaient émis des réserves lors de la réception de leur appartement et souhaitaient engager la responsabilité de leur avocat pour manquement à son devoir de conseil, leur avocat n’ayant pas envisagé de soutenir le moyen relatif à la mise en œuvre de la GFA. La Cour considére que la GFA ne pouvait plus être actionnée puisque l’immeuble était achevé au sens de l’article R 261-1 du CCH, par suite de l’intervention de la réception des travaux.

C’est la raison pour laquelle, en secteur libre, il est très fréquent que les acquéreurs souhaitent renforcer la définition de l’achèvement en intégrant dans sa définition d’autres éléments comme l'aménagement des espaces verts, jardins et extérieurs, l’avis d’ouverture au public, s’il s’agit d’un ERP, l’avis favorable de la commission de sécurité, la prise de possession des locaux par le preneur à bail, ….

Nous ne saurions trop t’alerter sur la vigilance à avoir sur ce point.

[Antoine] : Si la GFA doit permettre uniquement de payer les sommes nécessaires à l’achèvement, je suppose qu’elle ne peut pas non plus être mobilisée par l’acquéreur pour payer les pénalités de retard, en cas de retard de ma part dans la livraison des travaux ?

[UM***] : Exactement. Ce n’est pas possible.

[Antoine] : Est-ce qu’il y a une procédure particulière pour constater l’achèvement ?

[UM***] : L'article R 261-24 du CCH prévoit expressément l’intervention d’un tiers pour la constatation de l'achèvement et l'établissement d'une attestation permettant la libération du garant.

Le texte prévoit que la constatation sera faite, soit par une personne désignée dans les conditions prévues à l'article R 261-2 du CCH, soit par un organisme de contrôle indépendant ou un homme de l'art. En pratique, les promoteurs confient généralement cette mission au maître d’œuvre de l’opération.

Le tiers établit une attestation conforme à un modèle défini réglementairement, dont l'un des exemplaires est remis par le vendeur à l'organisme garant, ainsi qu'au notaire chargé de la vente. Ce n'est qu'après accomplissement de ces formalités que le garant sera libéré.

[Antoine] : Est-ce qu’il y a un critère ou un seuil que permet de savoir quand l’acquéreur peut actionner la GFA, par exemple, un retard dans les travaux d’une certaine importance ?

[UM***] : Tu mets le doigt sur quelque chose de central, Antoine.

L’article L 261-10-1 du CCH prévoit expressément que la GFA ne peut être mise en œuvre qu’en cas de défaillance financière du vendeur, la fin de l’alinéa nous indiquant qu’une telle défaillance est caractérisée par une absence de disposition des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.

[Antoine] : Cette mention me semble atténuer fortement l’efficacité de la GFA et la protection de l’acquéreur dans la mesure où l’on peut imaginer qu’un vendeur soit défaillant, pour d’autres raisons non ?

[UM***] : Exactement, Antoine. Dans la mesure où la charge de la preuve semble peser sur l’acquéreur, il nous semble que les hypothèses dans lesquelles la défaillance financière du promoteur pourra être constatée sont extrêmement restrictives et quasi limitées au cas d’une liquidation judiciaire de celui-ci.

[Antoine] : Si le garant devait être “actionné” comment saurait il déterminer le montant de son engagement ?

[UM***] : La loi ELAN vient préciser que « Le garant financier de l’achèvement de l’immeuble peut faire désigner un administrateur ad hoc par ordonnance sur requête. L’administrateur ad hoc, qui dispose des pouvoirs du maître de l’ouvrage, a pour mission de faire réaliser les travaux nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. Il peut réaliser toutes les opérations qui y concourent, et procéder à la réception de l’ouvrage, au sens de l’article 1792-6 du code civil. Il dispose d’une assurance de responsabilité en application de l’article L. 241-2 du code des assurances. Sa rémunération est à la charge du garant. »

[Antoine] : Sauriez vous quel est le coût approximatif d’une telle garantie ?

[UM***] : Ce coût est fonction du montant de la vente mais également de la part de fonds propres investis par le promoteur dans le projet, de la confiance que la banque va avoir dans le projet (réputation et surface financière du promoteur, taux de pré commercialisation, …) et la possibilité pour la banque d’avoir éventuellement des “contre-garanties”.

En général, le taux varie entre 0,4 % et 2 % du CA TTC de l'opération en question (0,4 % étant pour les acteurs nationaux ou filiales immobilières bancaires).

[Antoine] : Ce n’est pas mon objectif mais penses-tu qu’il est envisageable, si l’acquéreur en est d’accord, de ne pas fournir de GFA, au regard de son coût et de l’occurrence de mise en œuvre extrêmement faible ?

[UM***] : Comme nous te l’avons dit, la GFA n’est pas obligatoire en secteur libre. Tu peux certainement avoir un tel échange avec ton acquéreur. Cela étant, en secteur protégé ce ne sera pas possible, sous peine d’engager ta responsabilité et de risquer la nullité de la vente.

Outre le fait que nous n’imaginons pas un acquéreur en VEFA y renoncer, en secteur protégé, le notaire peut voir sa responsabilité engagée, en cas d'irrégularités liées à la justification de la remise de la GFA, au moment de la conclusion du contrat de vente. Il vérifiera notamment :

  • La remise de la GFA au plus tard lors de la signature du contrat,

  • La régularité de l'attestation et de la garantie remise.

[Antoine] : Dans le cas où le garant doit intervenir pour payer les sommes nécessaires à l’achèvement, que se passe-t-il ? Il est payé par les frais de cautionnement et ça s’arrête là ?

[UM***] : Dans ce cas, le garant que l’on a tendance à appeler « la banque GFiste » va avoir deux droits :

- Tout d’abord celui de percevoir le solde du prix :

Intellectuellement, cela s’entend assez bien.

Il a dû payer à l’acquéreur les sommes nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage, il est désormais le seul fondé à exiger de l'acquéreur le paiement du solde du prix de vente, même si le vendeur fait l'objet d'une procédure au titre du livre VI du code de commerce.

On pourrait s’interroger sur sa capacité à prétendre au paiement de la totalité du solde du prix, dans la mesure où, comme nous venons de l’évoquer, il finance un ouvrage moins abouti que celui prévu dans la VEFA, mais nous te proposons de revenir sur ce point une prochaine fois.

- Ensuite, celui de se retourner contre le vendeur :

Comme toute caution qui s'acquitte de l'obligation garantie en lieu et place du débiteur principal, le garant financier de l'achèvement a un recours contre ce dernier.

Là encore, on pourrait s’interroger sur l’effectivité de ce recours dans la mesure où, comme nous l’avons vu, l’hypothèse dans laquelle on pourrait constater une défaillance financière du promoteur recouvre les cas les plus extrêmes dans lesquels les chances qu’un recours prospère semblent faibles, mais nous te proposons d’y revenir ultérieurement.

[Alors qu’il est bientôt 3 heures du matin, après un 5e set absolument exceptionnel, Djokovik parvient à sortir Musetti]

[UM***] : Quel match de folie ! Merci Antoine pour ce moment passé ensemble. J’espère que tout est clair pour toi et que tu en sais désormais plus sur les GFA.

A bientôt.