L'amodiation au sein des parcs publics de stationnement

Tous les mois, nous vous proposons de décortiquez une nouvelle aventure immobilière d'Antoine, notre personnage fictif, à l'occasion d'un échange avec Eric et Sébastien, cofondateurs d'UrbanSolutions et de la newsletter (Un)Mute. Aujourd'hui, nous allons aborder le stationnement en amodiation et sa justification dans le cadre d’une demande de permis de construire, lorsque pour des raisons techniques notamment vous n’êtes pas en capacité de réaliser le nombre d’emplacements de stationnement exigé par le PLU sur le terrain d’assiette de votre opération ou dans sont environnement immédiat. Au travers de notre échange avec Antoine, nous allons vous dévoiler (presque) tous les secrets de ce mécanisme.

MONTAGE D'OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES

Eric Arnaud

7/1/20247 min read

Samedi 29 juin 2024…11h13…

Nous retrouvons aujourd’hui nos héros à la kermesse de l’école de Margaux, la fille d’Eric et de Zéphir, le fils d’Antoine, qui par le plus grand des hasards sont tous deux dans la même classe…Pour cette belle occasion, Sébastien qui est également le parrain de Zéphir, a bien évidemment fait le déplacement.

Après avoir assisté à près de deux heures de spectacle, nous retrouvons nos trois héros, une bière à la main, dans la classe de grande section de maternelle, qui pour l’occasion héberge l’activité “sumo”.

En tant que grand japonophile (nos lecteurs les plus anciens se souviendront très certainement qu’Antoine a vécu plusieurs années au Japon avant de revenir en France pour se lancer dans l’immobilier), Antoine a souhaité superviser l’activité “Sumo” dans l’espoir de transmettre aux enfants toute la beauté et la grâce de cet art martial.

Alors qu’un combat entre Zéphir et Margaux est sur le point de commencer, Antoine, l’air grave, se tourne vers Eric et Sébastien…

[Antoine] : J’ai un problème…

Eric et Sébastien qui pensaient profiter de cette “belle” journée pour siroter quelques bières entre amis sont quelque peu dépités…

[UM] : Nous sommes véritablement ravis de t’avoir comme “ami”…

[Antoine] : Quoi ?

[UM] : Rien, nous t’écoutons.

[Antoine] : Super ! Sur l’une de mes opérations, je rencontre des difficultés pour réaliser toutes les places de stationnement qui me sont imposées par le PLU. Il m’en manque 6 pour atteindre le quota… J’ai peut-être une solution mais je voulais avoir votre avis sur le sujet.

A environ 200 mètres à vol d’oiseau du terrain, il y a un parc public de stationnement. Je pense qu’il a dû être un peu surdimensionné à l’origine car il est très loin d’être complet. Je me disais donc qu’en achetant ou en louant des places au sein de ce parc, je pourrais peut-être justifier du nombre de places manquantes. J’ai rendez-vous lundi avec le Maire pour le lui proposer. Qu’en pensez-vous ?

[UM] : Alors… il y a deux règles principales à connaître en matière de stationnement. La première résulte du 1er alinéa de l’article L.151-33 du Code de l’urbanisme qui dispose que :

“Lorsque le règlement impose la réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat.”

La Circulaire UHC/DU/16 n° 2001-56 du 27 juillet 2001 (titre II, chap. II, sect. I) est venue préciser sur ce point que :

“Ces obligations visent la réalisation, sur le terrain d’implantation des projets de construction ou, comme l’admettait déjà la doctrine administrative, sur un terrain situé dans l’environnement immédiat et dont le constructeur justifie avoir la jouissance, d’un nombre de places de stationnement calculé par application des critères fixés dans les documents d’urbanisme. Les places de stationnement à réaliser relèvent de la même maîtrise d’ouvrage que celle de l’opération en projet. (…')”

Il ne s’agit que d’une circulaire1 et celle-ci commence un peu à dater, mais omme tu peux le constater, deux conditions doivent donc être réunies afin de mettre en oeuvre cette solution :

  • D’une part, le maître d’ouvrage du parc de stationnement doit avoir la jouissance de l’assiette foncière sur laquelle seront réalisées les places de stationnement ;

  • D’autre part, le maître d’ouvrage de ce parc de stationnement doit être le même que celui du projet principal.

Dans une telle hypothèse, la demande de permis de construire devra impérativement comprendre le plan de situation du terrain sur lequel seront réalisées les aires de stationnement et le plan des constructions ou aménagements correspondants2.

[Antoine] : Et très concrètement, quelle est la distance à prendre en compte ?

[UM] : Les textes ne le précisent pas, mais l’étude de la Jurisprudence donne quelques indications.

Il est généralement admis que la distance doit être inférieure à 500 mètres, mais l’appréciation doit être faite au cas par cas et il ne nous semble pas possible de définir une règle objective.

Ainsi à titre d’exemple il a été jugé qu’en l'absence de toute possibilité de stationnement sur le terrain, le pétitionnaire ne peut valablement affecter au projet des emplacements situés à 200 m, dans une rue perpendiculaire à celle du terrain d'assiette. De tels emplacements ne se trouvent pas dans un « environnement immédiat » au sens de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme (CAA Douai, 1re ch., 26 oct. 2021, n° 20DA01966).

[Antoine] : Vous ne m’aidez pas beaucoup là…

[UM] : Sympa… La deuxième règle à connaître résulte des 2ème et 3ème alinéas de ce même article :

“Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant du premier alinéa, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions.
Lorsqu'une aire de stationnement a été prise en compte dans le cadre d'une concession à long terme ou d'un parc privé de stationnement, au titre des obligations prévues aux articles L. 151-30 et L. 151-32, elle ne peut plus être prise en compte, en tout ou en partie, à l'occasion d'une nouvelle autorisation.”

A ce titre, la Circulaire UHC/DU/16 n° 2001-56 du 27 juillet 2001 (titre II, chap. II, sect. II) est là encore venue préciser que :

“Lorsqu’un document d’urbanisme impose l’obligation de réaliser des places de stationnement, le constructeur ne peut pas se soustraire à cette obligation en l’absence d’impossibilité d’ordre technique, urbanistique ou architecturale qui ne lui sont pas imputables.”

En revanche, un simple surcoût financier, par exemple susceptible d’être engendré par la nécessité de réaliser une niveau de sous-sol complémentaire, n’est pas suffisant pour bénéficier des dispositions des alinéas 2 et 3 de l’article L.151-33.

En pratique, nous constatons que le critère de l’impossibilité technique est aujourd’hui celui qui est principalement pris en compte par le Jurisprudence3.

[Antoine] : Que dois-je produire dans le cadre de ma demande de permis de construire si j’opte pour cette solution ?

[UM] : Outre la justification de l’impossibilité technique, ta demande de permis devra impérativement comprendre la “promesse synallagmatique de concession4, éventuellement assortie de la condition suspensive de l'octroi du permis”.5

[Antoine] : Quelle est la nature de cette concession ? Il s’agit d’une forme particulière de bail ?

[UM] : Non, pas du tout. En raison de leur affectation, les parcs publics de stationnement relèvent, en principe, du domaine public et sont, à ce titre, inaliénables. Pour cette raison, cette convention s’apparenterait plutôt à une convention d’occupation temporaire du domaine public. En pratique, on parle généralement de convention d’amodiation. Il s’agit d’une convention qui a pour objet de conférer à son bénéficiaire (l’amodiataire) un droit personnel de longue durée lui permettant d’occuper un emplacement matérialisé du parking.

Par contre, ne perds pas de temps à chercher une quelconque référence à cette notion au sein du code de l’urbanisme, car tu n’en trouveras pas. En réalité, seul le Code minier y fait référence à notre connaissance.

[Antoine] : Je comprends que cette convention doit avoir une durée relativement longue… Y’a t’il une durée minimum ?

[UM] : Oui tout à fait ! A l’occasion d’une réponse ministérielle du 3 mai 2016, il a d’ailleurs été rappelé que :

“Les aires de stationnement concédées doivent être réservées à l'usage exclusif du constructeur et leur attribution ne doit pas avoir un caractère précaire. Une convention portant sur une période de dix ans ne constitue pas une concession à long terme (CE du 30 juin 1993, SCI du 21-23, rue du Bouquet-de-Longchamp, req. no 130372). Selon le Conseil d'État, l'engagement de location doit être au minimum de 15 ans (CE 8 déc. 2000, ville de Paris, req. no 202766).”

En pratique, il est fortement recommandé que leur durée soit supérieure à 15 ans.

[Antoine] : Je comprends que l’amodiation a pour effet d’attribuer à son bénéficiaire l’usage exclusif d’une ou plusieurs places de stationnement. Est-ce que cela signifie que ce mécanisme est incompatible avec une gestion foisonnée du parc de stationnement ?

[UM] : Tu évoques l’hypothèse dans laquelle la convention d’amodiation n’aurait pour objet que d’attribuer à son bénéficiaire un simple droit d’usage, c’est à dire le droit et la garantie de pouvoir pénétrer au sein de ce parc et de pouvoir se garer sur une place banalisée ?

[Antoine] : Oui tout à fait.

[UM] : La question est débattue, mais cette approche est souvent admise en pratique. Toutefois, comme indiqué dans la réponse ministérielle du 3 mai 2016, “les aires de stationnement concédées doivent être réservées à l'usage exclusif du constructeur”.

[Antoine] : Comment se traite la question du paiement de la redevance et des éventuelles charges sur ce type de convention ?

[UM] : En ce qui concerne la redevance, celle-ci peut être payée en une (ex : à la prise d’effet) ou plusieurs fois, selon un échéancier arrêté d’une commun accord voire de manière mensuelle, trimestrielle ou annuelle. L’amodiataire supporte par ailleurs les charges relatives à l’entretien du parc de stationnement pendant toute la durée de la convention.

[Antoine] : Eric, je crois que Zéphir y est allé un peu fort et que ta fille à besoin d’aide…

[UM] : En effet ! La suite au prochain numéro !

(Ndlr : Aucun enfant n’a été maltraité pour les besoins de cet article. Soyez assuré que nous accordons la plus haute importance à leur bien être.)