Perrine Cantin-Michaud - Associée au sein de la société URBAN PROJECT
Dans le cadre de cette interview, vous allez faire la connaissance de Perrine CANTIN MICHAUD, de la société URBAN PROJECT, qui vous présentera son activité et qui vous parlera de “tiers-lieux”.
INTERVIEW
9/11/202316 min read
[UM] : Bonjour Perrine, je te remercie d’être la 7ème invitée de notre série d’interview. Tu diriges actuellement Urban Project avec Damien Beaufils. Peux-tu nous dire quelques mots sur votre rencontre et la genèse de cette structure ?
[Perrine] : Damien a monté Urban Project en 2014 après avoir travaillé 7 ans dans l’asset management. Je l’ai rejoint en 2019. Il n’a pas du tout le même parcours que moi car à l’origine son travail consistait, pour schématiser, à investir l’argent d’un fonds de pension américain. Un jour, il a fait le constat que si « l’immobilier » ne manquait pas d’argent, en revanche les projets qui faisaient sens, sur lesquels investir, manquaient cruellement. Par ailleurs, il était alors pas mal bousculé par sa femme et ses proches qui lui faisaient de plus en plus remarquer que son métier ne correspondait pas véritablement aux valeurs dont il se réclamait. Il a donc fait ce qu’il appelle sont « job out ». Il posé sa « dém’ » et il est parti faire un tour du monde avec sa femme. Après cela, ils sont venus s’installer à Lyon où il a eu une première expérience entrepreneuriale qui a échouée, avant de créer Urban Project, avec l’envie de faire sortir de terre des projets utiles aux territoires. C’était alors les débuts des tiers-lieux et il a très vite identifié le potentiel de ce concept. De mon côté, je travaillais à cette époque à la SACVL en tant que directrice développement et de la maîtrise d’ouvrage. J’étais notamment en charge de l’opération d’aménagement « l’Antiquaille », sous Fourvière. Dans le cadre de cette opération, il y avait une ancienne chaufferie qu’on vendait. Damien est venu me proposer d’en faire un tiers-lieu. Hélas, nous l’avions déjà vendue, mais c’est comme ça que nous avons commencé à échanger et qu’on s’est rendu compte qu’on avait la même manière d’envisager l’immobilier et l’urbanisme en se disant qu’il n’y avait pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre et qu’il y avait certainement des projets avec un modèle économique privé à imaginer au service du territoire. On était donc tous les deux déjà dans cette espèce d’ouverture. Et très vite Damien m’a proposé de s’associer à lui dans la perspective du développement d’Urban Project. Je travaillais alors dans le logement social et je n’envisageais à ce moment-là pas du tout d’être à mon compte. Et puis, comme tu le sais, Bouygues est passé par là… En intégrant Linkcity[1], ça m’a ouvert sur plein d’autres types de projets immobiliers avec des modèles économiques différents. Pendant que j’étais chez Linkcity, Damien a développé la Commune et puis je suis revenue vers lui après avoir muri mes réflexions. Donc… merci Bouygues 😉
Aujourd’hui, le fait d’être tous les deux à la tête d’Urban Project et qu’on se rejoigne beaucoup sur la manière de faire c’est assez génial. Cela nous permet de faire les choses telles qu’on les entend. Après on ne détient pas la « vérité », mais on essaye de faire des choses qui nous semblent justes.
[UM] : Qu’est-ce qui vous anime chez Urban Project ?
[Perrine] : Nous avons envie de faire sortir de terre des projets utiles au territoire.
Lorsqu’un promoteur intervient sur un projet il va bien souvent se focaliser sur sa marge et sur ses honoraires de maîtrise d’ouvrage, ce qui pèse très lourd sur les bilans.
Or, dans le cadre des projets que nous montons, nous essayons de faire venir des acteurs d’une ville « souhaitable » et qui, souvent, ne sont pas en capacités de payer des loyers très élevés. Et ça, c’est difficilement compatible avec les contraintes de marge et d’honoraires des promoteurs. Nous avons donc tendance à essayer de « squeezer » l’étape du promoteur, en essayant directement de travailler pour une SEM ou un investisseur.
De plus l’un des arguments des promoteurs est qu’ils font un métier à risque pour justifier leur marge. Or, lorsqu’un promoteur imagine une programmation ultra complète, qui répond aux besoins des habitants et aux attentes des collectivités et que le foncier est situé dans une métropole ultra attractive, il me semble que le risque est limité… Nous avons bien conscience néanmoins qu’en ce moment, la période est compliquée.
Maintenant, notre approche les bouscule un peu. En effet, lorsque nous sommes sollicités par des promoteurs afin de les accompagner sur un projet, il peut nous arriver de leur dire qu’il ne faut pas construire ou moins construire à tel emplacement et de les accompagner dans l’identification de ce qui peut être réhabilité, afin de moins construire de neuf. Là encore, ils s’y mettent de plus en plus et comprennent progressivement que leur métier évolue et que, peut-être, celui-ci ne sera plus principalement la construction neuve dans quelques années. Mais c’est une logique que l’on n’entendait pas il y a encore 4 ou 5 ans et qui reste encore difficile pour certains à appréhender. C’est notamment la raison pour laquelle certains ont encore un peu de mal à appréhender ce que nous faisons chez Urban Project.
[UM] : La transition est parfaite. Peux-tu justement nous expliquer ce que vous faites chez Urban Project ?
[Perrine] : Nous nous définissons comme un « studio de création de lieux innovants et réjouissants ».
Tout d’abord, un studio de création, car nous ne faisons pas uniquement de l’assistance à maîtrise d’ouvrage privée ou (de plus en plus) publique. Sur les projets qui nous tiennent à cœur nous allons nous positionner comme investisseur-exploitant. De plus, nous nous positionnons également sur de petits objets comme promoteur. A titre d’exemple, nous avons répondu il y a peu sur la consultation qui portait sur le « Chalet du parc », au sein du Parc de la tête d’or. Il s’agissait d’un objet de 1.500 m². Nous avons fini 2ème … ce qui fait un peu mal au cœur mais c’est déjà ça. Par ailleurs, en ce moment, nous répondons à la consultation du Fort de Montessuy à Caluire. Il s’agit là encore d’un petit objet de l’ordre de 1500-2000 m². Dans le cadre de ces deux consultations nous avons répondu en tant que promoteur. Toutefois, dans la mesure où nous avons des fonds propres limités, nous avions répondu sur le chalet du parc avec la SACVL et un investisseur sur la partie pour laquelle il y avait un risque « permis ».
Ensuite, pourquoi « de lieux innovants » ? C’est un peu pompeux de dire ça car il ne suffit pas de le dire pour l’être. Nous essayons de nourrir cette création en étant extrêmement curieux. Cette curiosité va se traduire par les lectures que nous allons avoir qui sont très éloignées des lectures du secteur immobilier. On a toujours le nez dans Usbek&Rica par exemple. Tous les sujets nous intéressent. Nous sommes constamment en train de fouiller un peu partout. De mon côté cette curiosité se nourrit beaucoup d’investissements associatifs et du coup des rencontres que je peux faire. Ce qui nous anime, c’est que tout le monde fait la ville, du « punk à chien », jusqu’à l’investisseur et donc tout le monde est intéressant et a quelque chose à apporter.
Enfin, pourquoi « réjouissant » ? Nous sommes comme tout le monde. Lorsqu’on allume la radio le matin et qu’on entend les nouvelles on a juste envie de se « tirer une balle » car c’est un peu pesant. On a donc trois choix :
Soit mettre des œillères et faire comme si nous n’avions rien entendu ;.dire que le monde d’avant continue et surtout de ne même pas avoir conscience du monde d’avant ;
Soit le côté catastrophiste, l’effondrement, à quoi ça sert d’être encore là…
Soit, acter le fait qu’on est dans un changement de période et considérer que c’est réjouissant car il y a tout à écrire, ce qui est trop cool : la réhabilitation par rapport à la construction, l’émergence de nouveaux acteurs, la place de l’ESS, les questions environnementales, le fait de raisonner en lowtech plutôt qu’en high tech, l’approche frugale, etc. Le champ des possible est énorme !!!
Dans cette logique, il y a des enjeux qui nous tiennent plus particulièrement à cœur : la consommation responsable, l’alimentation durable, le partage de la connaissance. Et nous pensons qu’il nous appartient de faire sortir de terre les lieux dans lesquels s’incarnent ces réponses. En fin de compte l’immobilier c’est ça… une réponse à un besoin, un usage. Tu ne créé pas une coque vide sinon ça ne fonctionne pas.
Et je pourrais même ajouter « pérenne ». On pense que nos lieux ont vocation à être pérennes dans le temps. Ce n’est pas parce qu’on fait des lieux qui ont du sens, qu’ils doivent être temporaires. Souvent, les gens entendent tiers lieux et pensent que c’est de l’occupation temporaire.
[UM] : Vous intervenez en tant qu’AMO. Quels sont vos clients ?
En réalité, notre activité s’articule autour de deux métiers :
Le premier est de faire très classiquement de l’assistance à maîtrise d’ouvrage auprès de promoteurs ou de maitre d’ouvrage public. L’AMO auprès des promoteurs est un peu notre métier historique car nous sommes identifiés comme des créateurs de « tiers-lieux ». Les promoteurs viennent donc nous chercher sur des concours car ils se disent qu’on va avoir la bonne idée du lieu qui a une mixité d’usages, qu’on va apporter de l’innovation, ce qui va faire la différence. En étant un peu cynique, je dirai que ça fait bien sur le papier, mais il y en a de plus en plus qui croient à ce qu’on fait.
Le deuxième type de client que nous essayons de développer ce sont les sociétés d’aménagement publiques ou parapubliques et les personnes publiques à proprement parler car dans ce cas nos marges de manœuvre sont beaucoup plus importantes. Par exemple, une collectivité viendra nous chercher en nous disant qu’elle a un ancien hôpital dont elle ne sait pas quoi faire. Elle sera certes en attente d’une certaine rentabilité mais qui ne sera pas la même que celle d’un promoteur. De plus, elle ne va pas non plus avoir le couperet d’un investisseur. Les marges de manœuvre pour nous sont donc beaucoup plus intéressantes.
Notre deuxième métier c’est le fait d’être entrepreneur. Il y a des concepts qui nous tiennent vraiment à cœur et auxquels nous croyons à fond. Nous avons cette envie de voir les projets sortir de terre tels qu’on les imagine. De plus, on s’est aussi rendu compte qu’une fois qu’un concours était gagné, les promoteurs sont souvent soumis à une réalité économique ce qui peut les conduire à exclure du projet des choses qui nous tiennent vraiment à cœur. A titre d’exemple, l’un des concepts que nous poussons est celui du centre commercial responsable. Or, si sur notre centre commercial on commence à faire venir Starbucks, Shein, etc, cela n’a plus de sens. De notre côté, nous y aurons passé beaucoup de temps et mis beaucoup d’énergie car ce n’est pas que des mots en vain. Il y a également une question d’image. Si demain on pointe un des projets qu’on a imaginé et que dans celui-ci ce sont des vêtements fabriqués pas des enfants en Chine qui sont vendus, cela nous pose problème.
C’est la raison pour laquelle nous allons nous positionner comme investisseur-exploitant.
Quand on a mis les mains dans le cambouis, le bébé qu’on imagine est d’autant plus crédible et réaliste.
En ce moment, on sort nos propres bureaux. On créé un espace de coworking d’environ 560 m² qu’on va exploiter. Mon job en ce moment c’est déjà de le remplir et de passer les contrats avec les prestataires (ménage, café, etc.). Et notre approche vertueuse elle se traduit également au niveau de l’exploitation. Par exemple, en ce qui concerne le ménage, les personnes qui vont faire le ménage le feront sur des horaires classiques de journée et non ultra tôt le matin ou tard le soir parce qu’en terme de vie de famille, pour eux, c’est insupportable de gérer la manière dont ils vont faire garder les enfants, etc. C’est toutes ces questions là que nous essayons de nous poser en étant parfois un peu jusqu’au-boutistes.
C’est la raison pour laquelle c’est parfois un peu compliqué de nous mettre dans des cases et que le concept de « studio de création de lieux innovants et réjouissants » est celui qui nous résume le mieux.
[UM] : Alors justement c’est quoi un tiers-lieu ?
[Perrine] : 😊 Alors aujourd’hui c’est un peu tout et n’importe quoi, mais à la base ce nom vient du fait que tu as le lieu où tu vies (logement), le lieu où tu travailles et puis ce tiers-lieu, celui dans lequel tu vas aller en sortant du boulot. Ça peut-être le bar du quartier dans lequel tu vas boire un verre avec tes voisins, la bibliothèque du quartier, etc. C’est un lieu où il va y avoir des interactions sociales, une mixité du public et une mixité d’usage avec une notion de service au territoire, de service d’intérêt général. Par exemple, la Commune[2] à Lyon, que nous avons imaginée, est un tiers-lieu. C’est un food-court, un restaurant, mais un peu particulier car les chefs qui y viennent sont des jeunes chefs qui vont venir tester le métier de restaurateur. Ça veut dire qu’il ne s’agit pas de chefs qui ont hypothéqué leur maison pour acheter leur fonds de commerce. A l’origine, la Commune a d’ailleurs été créée à la suite d’une discussion avec la Chambre de Métiers et de l’Artisanat. Il est ressorti de cet échange qu’il y avait 2/3 des restaurateurs qui mettent la clé sous la porte dans les deux premières années d’exploitation. C’est des drames humains. Donc l’idée de la Commune est de permettre à des chefs de venir juste avec leurs couteaux. Tout le reste leur est mis à disposition. C’est aussi un tiers lieu car tu as un espace dans lequel tu peux soit manger s’il n’est occupé par autre chose, soit un espace dans lequel tu peux avoir des conférences, des concerts, mais toujours gratuits. Donc tu as cette mixité de public, une vraie accessibilité, tu as un vrai rôle social ou d’intérêt général notamment pour les jeunes chefs et en termes de vie de quartier. C’est très compliqué de résumer de cela.
[UM] : C’est clair. Il n’y a en fait pas de critères prédéfinis !
[Perrine] : Une bibliothèque est un super tiers-lieu car c’est un lieu de partage de la connaissance dans lequel tu peux avoir des conférences, … Après la grosse difficulté du tiers-lieu est la définition du modèle économique. On a souvent l’impression qu’un tiers lieu n’a pas de modèle économique avéré, notamment car il y a beaucoup de collectivités qui sont à l’origine de tiers lieux donc on a l’impression qu’il faut nécessairement qu’il y ait un financement public. Or, ça peut parfaitement fonctionner avec du financement privé à partir du moment où tu as un modèle économique précis et que tu as anticipé un certain nombre de choses. La Commune est aujourd’hui un lieu qui gagne de l’argent car il y a non seulement les échoppes des restaurateurs, mais également le bar qui lui est géré par la Commune. Or, on ne va pas se le cacher, la tireuse à bière est un super moyen d’équilibrer un tiers lieux. C’est un peu raccourci mais l’enjeu du tiers lieu est vraiment là.
Souvent, les promoteurs dans le cadre de consultations proposent des tiers lieux, pour finalement y implanter une salle de sport. Après tout, on n’est pas loin du tiers-lieu dans leur esprit 😊
[UM] : C’est vrai que dans le cadre des consultations la notion de tiers-lieu est un peu le mot magique, censé faire la différence.
[Perrine] : Ce n’est pas que la faute des promoteurs. Souvent les collectivités, lorsqu’elles lancent une consultation, attendent un peu ce mot magique. Mais derrière on ne sait pas vraiment ce qu’il y a.
[UM] : Finalement il y a autant de tiers lieu que de lieux. Ça peut être une variété presque infinie de projets. D’ailleurs, la question de l’équilibre est hyper intéressante. Il faut le trouver, mais il est parfaitement possible. Comme tu le disais, on sait que la tireuse à bière est un levier qui peut être très rentable, mais qui en définitive permet de financer des activités qui ont une dimension plus sociale.
[Perrine] : Complètement. Il y a deux leviers sur lesquels on peut jouer. Il y a effectivement cette notion de « convivialité », avec par exemple la tireuse à bières 😊, mais il y a aussi la notion d’« intensité d’usage ». Cette notion de tiers lieu peut aussi se traduire par le fait que tu peux avoir une activité classique sur des horaires de bureaux par exemple. Et ces mêmes lieux peuvent se transformer en d’autre chose à d’autres moments. L’exemple extrême dont j’avais entendu parler et que je trouvais vraiment génial c’était un projet développé par HARDEL LE BIHAN Architectes. Ils avaient conçu des bureaux pour une banque et en soirée cela devenait un karaoké. Mais c’est génial ! Souvent dans les bureaux, tu as des salles de visio-conférences avec des écrans. Il suffit de rajouter quelques micros en fait et tu fais une salle de karaoké ! Bon, il n’y a pas vraiment de modèle économique derrière et encore… Quoi qu’il en soit, à partir du moment où tout est anticipé, c’est possible.
Nous, chez Urban Project, un truc qui nous ferait rêver serait de transformer une partie de la Cité internationale à Lyon, où nous avons eu nos bureaux pendant longtemps, le soir et les week-ends en gigantesque boite de nuit. Tu as énormément de bureaux et des halls gigantesques. Tu ne dérangerais donc personne ! On pense vraiment que cette intensité d’usage, cette fameuse chronotopie, est l’une des clés pour faire sortir des lieux utiles à tous.
Un autre exemple, c’est les « bureaux du cœur ». Ce sont ces boites qui ont des bureaux classiques et qui la nuit venue accueille des personnes sans domicile. C’est possible car ils ont un lit, un canapé, une douche. Et le matin, les premiers salariés arrivés croisent à la machine à café la personne qui est hébergée. Souvent d’ailleurs, il s’agit de personnes qui bossent, des travailleurs précaires qui sont à la rue. Et donc le matin, ils partent travailler. Et cet accès à l’hébergement est le premier pas vers la dignité et cela peut permettre à la personne de se remettre dans un parcours de vie plus classique et in fine d’avoir accès à un véritable logement.
[UM] : C’est hyper intéressant car c’est non seulement le moyen d’accompagner ces personnes pour les relancer dans la vie, mais également d’avoir des interactions entre celles-ci et les salariés autour de la machine à café. Ça permet de créer une forme de lien social.
[Perrine] : Oui ! Ce sont des gens qui ne se seraient sans doute jamais croisées dans la vie. Les salariés qui travaillent dans ces bureaux disent d’ailleurs que c’est également extrêmement riche pour eux. On s’aperçoit qu’il y a très peu de lieux dans lesquels tu rencontres des gens qui sont différents de toi. D’ailleurs, je pense que les réseaux sociaux font beaucoup de mal de ce point de vue là car tu as l’impression que tous les gens autour de toi pensent comme toi, gagnent autant que toi (voire même mieux), ou encore qu’ils votent comme toi. Or, c’est faux car tu représentes une part infime de la population. Les lieux où tu rencontres des gens différents de toi sont en fin de compte très rares. Il y a l’école et encore ce n’est pas toujours vrai… Il y a également le monde associatif. Le fait d’être au conseil d’administration de certaines associations me permet par exemple de rencontrer énormément de gens avec qui je n’aurais sans doute pas été amenée à discuter dans mon quotidien. Or, cette « mixité » participe beaucoup au fait de faire « société », au « vivre ensemble ». Si on se connait, si on se parle, on y arrive mieux. Après j’ai une vision un peu politico-idéaliste de mon métier 😊.
[UM] : C’est clair ! Je rajouterais également le sport, en tout cas certains sports. Le but n’est pas de parler de moi, mais je pratique la boxe au sein d’un petit club associatif et c’est peut-être ce sport qui veut ça, mais celui-ci me permet de côtoyer certaines personnes que je n’aurais sans doute pas eu la chance de rencontrer dans mon quotidien. Je trouve ça génial de pouvoir rencontrer d’autres gens et de sortir de son cadre.
[UM] : Tu me parlais tout à l’heure de vos nouveaux locaux. Où sont-ils situés ?
[Perrine] : 33 quai Arloing, dans le 9ème arrondissement de Lyon, en face de la sortie du tunnel de la Croix-Rousse, à 10 minutes à pied du métro Valmy. C’est donc très accessible. A la base, c’est un ensemble industriel des années 30. C’est une ancienne imprimerie et ciergerie. Nous avons acquis plusieurs lots contre la balme, en fond de parcelle. Nous avons tout réhabilité à l’intérieur pour y développer une cinquantaine de postes avec une autre boite qui fait de la production de films d’art et d’essai. On développe une « colocation professionnelle », thématisée « territoire et culture ». On parle de colocation professionnelle car la différence avec un coworking c’est que tu ne peux pas venir à la journée. De plus, nous avons vraiment cherché à avoir une émulation entre les acteurs. Pour l’instant, les gens qui nous rejoignent sont des architectes, des urbanistes, des gens qui font de la communication, du mobilier en réemploi, une association qui fait de la sensibilisation à l’architecture auprès des enfants. On commence à avoir un écosystème qui se dessine. Tous ces gens-là qui vont déjeuner le midi et boire des coups le soir - car tu l’auras compris la question de la bière et de la convivialité c’est quelque chose de très important 😊 – vont potentiellement pouvoir créer des projets ensemble. On pourrait croire qu’on est sur des secteurs qui ne se parlent pas mais ce n’est absolument pas le cas. On espère en faire un peu un tiers-lieu. A ce titre, nous avons une grande salle qui n’a pas vraiment de qualification et donc l’idée est qu’elle soit accessible, y compris le soir et le week-end de manière à accueillir des assos’, des cours de yoga ou de poterie entre midi et deux, ou même que tu puisses venir avec tes instruments de musiques, … C’est l’idée d’avoir une salle où il se passe plein de choses. On a envie de faire de nos bureaux une vitrine de ce en quoi on croit. Ça se traduit au travers de cette salle, mais aussi au travers de la frugalité dans nos travaux et le choix des matériaux. On est du coup tout en réemploi dans le mobilier… et ce sera beau car c’est quelque chose de vraiment important pour nous ! Souvent on associe « valeurs », « ESS » à des trucs de bric et de broc, mais on peut faire du très beau, voire du très luxueux avec des choses que l’on récupère ou avec ce qu’on appelle l’upcycling. C’est aussi quelque chose auquel on croit très fort.
On est aussi dans une approche low tech. Pour nous, c’était évident qu’il n’y aurait pas de climatisation. On est contre la balm ce qui va nous permettre de bénéficier de l’inertie de la colline, etc. Il y a plein de trucs comme ça qui traduisent ce qu’on est vraiment.
[UM] : J’ai hâte de les découvrir !
Perrine : Et tu seras le bienvenu 😊
[1] Linkcity est la filiale de développement immobilier du Groupe Bouygues Construction
[2] Précurseur dès 2018, La Commune a pour vocation de rassembler et transmettre. Un lieu sortant des codes où les liens se créent, les idées émergent. La Commune évolue sans cesse dans l’air du temps mais toujours fortement ancrée à ses valeurs : Une place de village où il fait bon vivre, un lieu de vie singulier de propositions multiples. Une commune où tout un chacun occupe une place spéciale: La sienne.