SCCV, SCIA et SNC... Quelle forme sociale choisir pour une opération de promotion immobilière

Tous les mois, nous vous proposons de décortiquez une nouvelle aventure immobilière d'Antoine, notre personnage fictif, à l'occasion d'un échange avec Eric et Sébastien, cofondateurs d'UrbanSolutions et de la newsletter (Un)Mute

MONTAGE D'OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES

Eric Arnaud

12/4/20238 min read

Vendredi 1er décembre 2023, 19h23…

Nous retrouvons nos trois héros, au marché de Noël de Clermont-Ferrand, place de Jaude, au pied de la cathédrale qui doit sa couleur noire si particulière à la pierre de Volvic qui fut utilisée pour sa construction.

Après une longue semaine durant laquelle Antoine a sillonné l’Auvergne à la recherche de nouvelles opportunités foncières, ce dernier retrouve Eric et Sébastien afin de déguster quelques huîtres, arrosées d’un verre d’Edelzwicker d’Alsace.

Au grand dam d’Eric et Sébastien qui espéraient enfin pouvoir se détendre, Antoine profite de ce moment convivial pour leur soutirer quelques informations concernant une nouvelle opération…

[Antoine] : Dans le cadre de mes démarches de prospection foncière, j’ai identifié cette semaine, dans la Ville de RIOM, une ancienne manufacture qui pourrait, une fois requalifiée, constituer un joli projet de logements. Toutefois, je ne suis pas en capacité de porter seul ce projet. J’ai donc proposé à l’une de mes connaissances, qui est également promoteur, de nous associer sur ce projet. Il a évoqué la constitution d’une SCCV. Qu’en pensez-vous ?

[UM] : La Société Civile de Construction-Vente (SCCV) est la forme sociale la plus couramment utilisée dans le cadre d’opérations de promotion immobilière.

Cette société est soumise à un statut juridique particulier régi par les articles L.211-1 à L.211-4 et R.211-1 à R.211-6 du Code de la construction et de l’habitation. Elle bénéficie également d’un régime fiscal de faveur en application de l’article 239 ter du Code général des impôts.

Elle ne peut en effet être constituée que dans le but de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions.

Ceci inclut la possibilité pour une telle société de procéder à :

  • L’acquisition d’un terrain afin d’y construire des immeubles ;

  • L’achat d’un immeuble dans le but de le démolir et d’édifier de nouvelles constructions ;

  • La conclusion d’un bail à construction ;

  • La transformation ou la rénovation d’immeubles anciens ;

  • Etc.

Cette forme sociale bénéficie de la transparence fiscale, ce qui signifie que ses bénéfices ne sont pas imposés au titre de l'IS. Chaque associé est donc personnellement assujetti à l'IR pour la part des bénéfices sociaux correspondant à ses droits.

Il faut toutefois être vigilant car si la société ne respecte pas son objet social et se livre à des activités commerciales, celle-ci perdra le bénéfice de la transparence fiscale et ses revenus seront alors assujettis à l'IS.

Enfin, en terme de responsabilité il faut que tu saches que les associés d’une SCCV sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux (CCH, art. L. 211-2, al. 1er) : les associés engagent donc leur responsabilité, au delà de leur seule participation dans le capital, sur tous leurs biens personnels.

En revanche, la responsabilité des associés n’est pas solidaire. Ceci signifie, qu’un créancier de la SCCV ne peut pas s’attaquer à l’un des associés uniquement pour lui réclamer le paiement de l’intégralité de la dette.

[Antoine] : Est-ce que je peux recourir à cette forme sociale dans le cadre d’une rénovation ?

[UM] : Oui, à condition toutefois que ces travaux soient assimilables à des travaux de construction.

L’administration fiscale assimile en effet certains travaux de transformation et d'aménagement à des opérations de construction pour l'application des dispositions de l'article 239 ter du CGI (bénéfice de la transparence fiscale).

Elle indique à ce titre que :

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Ces opérations sont assimilées aux opérations de construction proprement dites dès l'instant qu'elles ont nécessité l'obtention d'un permis de construire. Toutefois, le service demeure en droit, même dans ce cas, de démontrer que les travaux ainsi effectués n'ont pas eu une importance telle qu'ils équivaudraient à des travaux de construction.

Cette équivalence est réputée certaine lorsque les travaux effectués au sein d'un même bâtiment -chaque bâtiment étant considéré isolément- aboutissent à la reconstruction quasi-totale des structures intérieures de l'immeuble.

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À titre indicatif, il est rappelé que sont considérés équivaloir à des opérations de construction :

- les travaux comportant la démolition complète d'un immeuble suivie de sa reconstruction ou des modifications importantes apportées au gros-œuvre ou encore des travaux ayant pour objet l'aménagement à usage d'habitation, de locaux précédemment affectés à un autre usage (agricole, commercial, ...) ou qui constituaient des dépendances d'habitation (combles, garages, remises, ...) sans être eux-mêmes habitables ;

- les travaux correspondant à une restructuration complète après démolition intérieure d'une unité d'habitation, suivie de la création d'aménagements neufs. Il en est ainsi, notamment, lorsque des opérations de cette nature aboutissent à une augmentation du nombre d'unités de logement.

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En revanche, les travaux aboutissant à une restructuration partielle de l'immeuble (déplacement de cloisons, création de salles d'eau ou d'équipements sanitaires, etc.) sans modification de la structure interne, ne peuvent être considérés comme des travaux de construction.”

Si tu souhaites aller plus loin, nous te conseillons de consulter le BOFIP (BOI-BIC-CHAMP-20-40-20)

[Antoine] : Peut-elle de manière très accessoire avoir des activités qui sortent du champs de son objet social principal ?

[UM] : La Jurisprudence admet en effet qu'une SCCV puisse bénéficier du régime spécial prévu par l'article 239 ter du CGI en se livrant à d'autres opérations que la construction d'immeubles en vue de la vente, à condition que la réalisation de ces opérations ne constitue qu'une des modalités par lesquelles la société a mené à bien, conformément à son objet social, la vente de ces immeubles.

A titre d’exemple, la location d’immeubles construits est autorisée si elle est accessoire et préalable à leur cession (CE, 4 mai 2016, n° 383135). En pratique, cette situation concerne surtout les lots invendus, les queues de programme. Cette location n'a en principe pas d'incidence fiscale pour la SCI, sauf s’il s’agit d'une location en meublé. Dans ce cas, la location est considérée en droit fiscal comme une activité commerciale et fait perdre ainsi le bénéfice de l'article 239 ter du CGI.

[Antoine] : Je vous en remercie c’est très clair.

[UM] : Pour conclure sur le sujet, cette forme sociale emporte certaines conséquences pour les associés. Ceux-ci ne peuvent en effet pas se voir attribuer les immeubles construits par la société, ni se partager les immeubles invendus. Si la volonté des associés est de se voir attribuer des lots ou volumes construits ils doivent opter pour la SCI d’attribution.

[Antoine] : Oui j’en ai déjà entendu parler. J’ai une amie qui est sage-femme et qui, avec plusieurs professionnels de la santé (médecin, kiné, infirmier,…), se sont associés au sein d’une telle société, afin de se porter acquéreur d’un terrain et de faire procéder, en tant que maître d’ouvrage, à la construction de leur maison médicale, avant de se voir chacun attribuer un lot de copropriété (correspondant à leur cabinet de consultation).

[UM] : C’est le cas typique effectivement. Les sociétés d'attribution ont pour objet :

  • A titre principal : la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance ;

  • A titre accessoire : la gestion et l'entretien de ces immeubles jusqu'à la mise en place d'une organisation différente (CCH, art. L. 212-1).

Le recours à cette forme sociale permet d'organiser en amont le partage d'un bien immobilier déjà existant, à rénover ou à construire. Elle permet d'acquérir le terrain ou le bâti, de financer ensemble et de gérer les travaux de construction ou de rénovation, puis de diviser l'immeuble en lots. Une fois les différentes fractions attribuées aux associés, l'objet social de la société d'attribution est réalisé et elle peut être dissoute. Chaque copropriétaire est libre, ensuite, de gérer comme il le souhaite ses parties privatives.

Cela signifie donc qu’une personne non associée ne peut pas profiter de cette attribution. Le but recherché par les associés d'une société d'attribution n'est pas le profit, mais le partage par lots entre eux.

Ce principe d’attribution aux associés est d’ailleurs l’une des conditions imposée par le CGI pour permettre à cette société de bénéficier du régime de la transparence fiscale (CGI. Art. 1655 ter).

A noter que lorsque cette société a pour objet « la construction d'immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation » (secteur protégé), elle sera soumise à certaines exigences particulières, que ce soit en terme d’administration, que de respect des règles de la promotion immobilière.

[Antoine] : Je constate toutefois en pratique que certains promoteurs optent plutôt pour la SNC… Savez vous m’expliquer pourquoi ?

[UM] : Il s’agit d’une forme sociale dans laquelle l’intuitu personae est fort et qui présente de nombreux avantages :

  • aucun montant minimum n'est exigé pour son capital ;

  • les parts du capital ne peuvent être cédées qu’après avoir obtenu l'accord de tous les associés ;

  • ses gérants associés bénéficient d'une grande stabilité puisqu'ils ne sont révocables qu'à la seule unanimité des associés ;

  • les SNC dont au moins l'un des associés est une personne physique ne sont pas soumises à l'obligation de déposer leurs comptes sociaux.

Il s’agit également d’une société fiscalement transparente :Sauf option pour l’IS (laquelle est irrévocable), cela signifie là encore que ce sont les associés qui sont imposés, à l’IR, sur les bénéfices réalisés par la société.

Toutefois, l’une des particularités de cette forme de société est que la responsabilité des associés est solidaire et indéfinie.

  • La responsabilité solidaire signifie qu’un créancier peut poursuivre un seul associé de la SNC pour la totalité d’une dette de la société en cas de défaut de paiement de celle-ci, peu importe le montant de son apport.

  • La responsabilité indéfinie implique que les associés sont responsables sur l’ensemble de leurs biens personnels.

Ceci signifie qu’ils devront s’acquitter des dettes , y compris sur leurs biens personnels.

C’est notamment la raison pour laquelle les établissements bancaires prêteurs privilégient cette forme sociale, par rapport à celle de la SCCV.

[Antoine] : J’ai une dernière interrogation. Dans la mesure où ma SCCV ne disposera d’aucun moyen d’exploitation propre et notamment pas de personnel, comment mon associé peut mettre son propre personnel au service de cette société ?

[UM] : En pareille hypothèse, la pratique consiste à ce que la SCCV conclue avec ses associés une convention de gestion. Aux termes de cette convention, la SCCV confie à ses associés un certain nombre de missions relevant des prérogatives de maîtrise d’ouvrage (cette convention de gestion prend d’ailleurs souvent la forme d’une maîtrise d’ouvrage déléguée). Les associés sont alors rémunérés sous forme d’honoraires de gestion (correspondant en général à un % du CA de la SCCV). En cas de copromotion, les missions sont réparties, dans le cadre de cette convention de gestion, entre chaque associé.

[Antoine] : Merci beaucoup (Un)Mute, c’est particulièrement clair. Je vous remercie.

[UM] : C’est toujours avec beaucoup de plaisir que nous t’accompagnons dans tes pérégrinations immobilières.